Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/71

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perdu tout son alliage, il lui faut plus de cuisson ; lorsqu’on passe de la trame de la perfidie à la navette de la fourberie, on tombe dans l’affectation.

C’est ce défaut qui perd les Ecrivains des Nations avancées : ils veulent être neufs, & ne sont que bizarres ; ils tourmentent leur Langue, pour que l’expression leur donne la pensée, & c’est pourtant celle-ci qui doit toujours amener l’autre. Ajoutons qu’il y a une seconde espèce de corruption mais qui n’est pas à craindre pour la Langue Française : c’est la bassesse des figures. Ronsard disoit, le soleil perruqué de lumière ; la voile s’enfle à plein ventre. Ce défaut précede la maturité des Langues et disparoît avec la politesse.

Par toutes les expressions dont les arts & les métiers ont enrichi les Langues, il semble qu’elles aient peu d’obligations aux Gens de la Cour & du monde : mais si c’est la partie laborieuse d’une Nation qui crée, c’est la partie oisive qui choisit & qui regne. Le travail & le repos sont pour l’une ; le repos & le plaisir pour l’autre. C’est au goût dédaigneux, c’est à l’ennui d’un peuple d’oisifs, que l’art a dû ses progrès & ses finesses. On sent en effet