Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/86

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elle encore qui fourniroit les plus sûrs matériaux de l’histoire. Enfin si cette monnoie s’altéroit de certaine maniere entre les mains de certains particuliers, que leurs affections lui donnassent de telles couleurs & de telles formes, qu’on distinguât les piéces qui ont servi à soulager l’humanité ou à l’opprimer, à l’encouragement des Arts ou à la corruption de la justice, &c. ; une telle monnoie dévoileroit incontestablement le génie, le goût & les mœurs de chaque Peuple. Or, les racines des mots sont cette monnoie primitive, antiques médailles répandues chez tous les Peuples. Les Langues plus ou moins perfectionnées ne sont autre chose que cette monnoie ayant déjà eu cours ; & les livres sont les dépôts qui constatent ses différentes altérations.

Voilà la supposition la plus favorable qu’on puisse faire, & c’est elle sans doute qui a séduit l’Auteur du Monde primitif, ouvrage d’une immense érudition, & devant qui doivent pâlir nos vieux in-folio ; mais qui plus rempli de recherches que de preuves, & n’ayant pas de proportion avec la briéveté de la vie, sollicite un abrégé dès la premiere page.

Il me semble que ce n’est point de l’étymologie des mots qu’il faut s’occuper, mais plutôt de leurs analogies & de leurs filiations, qui peuvent conduire à celles des idées. Les Langues les plus simples & les plus près de leur origine sont déjà très-altérées. Il n’y a jamais eu sur la terre ni sang pur ni Langue sans alliage. Quand il nous manque un mot, disoient les Latins, nous l’empruntons des Grecs : tous les Peuples en ont pu dire autant. La plûpart des mots ont quelquefois une