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Page 19, Parole intérieure & cachée,

Que dans la retraite & le silence le plus absolu, un homme entre en méditation sur les objets les plus dégagés de la matiere ; il entendra toujours au fond de sa poitrine une voix secrette qui nommera les objets à mesure qu’ils passeront en revue. Si cet homme est sourd de naissance, la langue n’étant pour lui qu’une simple peinture, il verra passer tour-à-tour les hiéroglyphes, ou les images des choses sur lesquelles il méditera.

Telle est l’étroite dépendance où la parole met la pensée, qu’il n’est pas de Courtisan un peu habile qui n’ait éprouvé qu’à force de dire du bien d’un sot ou d’un fripon en place, on finit par en penser.


Page 20, Articulations radicales, &c.

Ce sont ces racines de mots que les Etymologistes cherchent obstinément par un travail ingénieux & vain. Les uns veulent tout ramener à une Langue primitive & parfaite : les autres déduisent toutes les Langues des mêmes radicaux. Ils les regardent comme une monnoie que chaque Peuple a chargée de son empreinte. En effet, s’il existoit une monnoie dont tous les Peuples se soient toujours servi, & qu’elle fût indestructible ; c’est elle qu’il faudroit consulter pour la fixation des tems où elle fut frappée. Et si cette monnoie étoit telle que, sans trop de confusion, on eût pu lui donner des marques certaines qui désignassent les Empires où elle auroit passé, l’époque de leur politesse ou de leur barbarie, de leur force ou de leur foiblesse ; c’est