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graphe : elle a servi à fixer les mots dans notre mémoire ; sa bizarrerie fait souvent toute la physionomie d’une expression, & prévient dans la Langue écrite les fréquentes équivoques de la Langue parlée. Aussi, dès qu’on prononce un mot nouveau pour nous, naturellement nous demandons son orthographe, afin de l’associer aussi-tôt à sa prononciation. On ne croit pas savoir le nom d’un homme, si on ne l’a vu par écrit. Je devrois dire encore que les Peuples du nord & nous, avons altéré jusqu’à l’alphabet des Grecs & des Romains ; que nous avons prononcé l’e en a, comme dans prudent ; l’i en e, comme dans invincible, &c. ; que les Anglais sont là-dessus plus irréguliers que nous : mais qui est-ce qui ignore ces choses ? Il faut observer seulement qu’outre l’universalité des Langues, il y en a une de caractères. Du tems de Pline, tous les Peuples connus se servoient des caractères Grecs ; aujourd’hui l’alphabet Romain s’applique à toutes les Langues.

Page 31. Leur Langue étoit plus près d’une certaine perfection, &c.

Voici des vers de Thibaut, Comte de Champagne.

Ni Empereur ni Roi n’ont nul pouvoir
Au prix d’amour ; de ce m’ose vanter :
Ils peuvent bien donner de leur avoir,
Terres & fiefs & fourbes pardonner :
Mais Amour peut homme de mort garder,
Et donner joye qui dure,
&c. &c. &c.

Et ceux-ci, qui sont de l’an 1226.

Chacun pleure sa terre & son pays,