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sans jamais blesser le génie de la Langue, ils ont toujours nommé le premier l’objet qui frappe le premier, comme les Peintres placent fur la premiere terrasse le principal personnage du Tableau.

Page 50. Leurs métaphores ont toujours un degré de plus que les nôtres.

Virgile dit, par exemple Capulo tenus abdidit ensem, il cacha son épée dans le sein de Priam ; & nous disons, il renfonça ; or il y a un degré entre enfoncer & cacher, & nous nous arrêtons au premier.

Page 52. L’oreille (ce qu’il y a de plus capricieux dans l’homme, &c.)

L’harmonie imitative dans le langage, acheve & perfectionne la description d’un objet ; parce qu’elle peint aux yeux, à l’oreille, à tous les sens. Elle est dans le nom même de la chose, ou dans le verbe qui exprime l’action. Quand le Nom & le Verbe n’ont pas d’harmonie qui imite, on ne parvient à la créer que par le choix des épithètes & la coupe des phrases. Le Nom qu’on appelle Substantif doit avoir son harmonie, quand l’objet qu’il exprime a toujours une même maniere d’être : ainsi tonnerre, grêle, tourbillon, sont des mots chargés d’r, parce qu’ils ne peuvent exister, sans produire une sensation bruyante. L’eau, par exemple, est indifférente à tel ou tel état ; aussi, sans aucune sorte d’harmonie par elle-même, elle en acquiert au besoin par le concours des épithètes & des Verbes : l’eau turbulente frémit, l’eau paisible coule. Il y a dans notre Langue beaucoup de mots sans harmonie, ce qui la