philologue, et nous pouvons dire que ce n’est point l’érudit
qui éveilla chez lui le stoïcien, mais bien plutôt les préoccupations morales qui le tournèrent, lui comme tous ceux de son
temps, vers Épictète. Le milieu dans lequel il vécut ne fut pas
non plus étranger à ces tendances. Il passa quelque temps à
la cour de Marguerite de Navarre qui, s’accommodant aussi bien
de Calvin que de Briçonnet, ne fut en somme jamais hostile
au rationalisme, pas plus au rationalisme protestant qu’au
stoïcien. Puis ce fut, à Toulouse, les Jean de Boysonne, Étienne
Dolet (1), avec lesquels il se lia d’amitié, et ce dernier, nous
le savons, eut quelque peu l’humeur stoïcienne. Enfin, à Lyon,
Du Moulin donna son édition du Manuel. Lyon était alors un
centre très actif et il arriva que Rabelais s’y trouvait en même
temps que lui. L’auteur de Gargantua et Pantagruel faisait
alors pour Claude Nourry, grand vulgarisateur d’éditions à
bon marché, des almanachs comiques et satiriques des Grandes
et inestimables Chroniques, lorsque Du Moulin parut chez Jean
de Tournes. Peut-être Rabelais désigne-t-il cette traduction
lorsqu’il écrit au livre II, p. 10, de Pantagruel « Je veys Epictète
vêtu galamment à la françoyse. » Quelles que soient,
d’ailleurs, les influences qui purent s’exercer sur lui, Antoine
Du Moulin ne prétend à rien autre chose qu’à faire œuvre de
moraliste. Voici, d’ailleurs, comment il s’exprime en présentant
la traduction du Manuel « Qui est un livre (Lecteur) non point de ceulx, desquelz tout le Bon est en la beauté de leurs Tiltres, promettans beaucoup plus que la matiere qu’ilz traictent ne satisfaict Mais je te puis bien asseurer (si tu veulx en le lisant diligemment y entendre), tu en emporteras plus de profit, que je ne t’oserois promettre, ny toy pourrois espérer (2). »
La préoccupation du texte passe, en effet, avec Du Moulin, tout à fait à l’arrière-plan. S’il est un trait qu’il cherche à faire ressortir, peu importe que la traduction soit fidèle, il veut avant tout rendre avec plus de force et de clarté ce qu’il croit la pensée
(1) Cf. mon ouvrage La Renaissance du stoïcisme au XVIe siècle.
(2) Cf. Le Manuel d’Épictète. (Lyon 1544, in-16).