Page:Rivaudeau - La doctrine d’Epictète stoïcien.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 67 —


même qui peuvent échapper au traducteur, il n’en a cure et ce serait méconnaître l’esprit dans lequel il fit ce travail que de lui infliger pareil reproche. C’est la pensée morale qui le guide ; aussi, n’hésite-t-il pas à abandonner Politien, son modèle, lorsqu’il le juge nécessaire pour la clarté de cette pensée. Tout à la fin du Manuel, Épictète vient d’indiquer les trois parties importantes de la philosophie la première, qui traite des maximes à pratiquer : « On ne doit pas mentir » ; la seconde, qui a pour objet les démonstrations, par exemple, les raisons pour lesquelles on ne doit pas mentir ; la troisième, qui montre ce qu’est une démonstration. Politien termine ces paragraphes par ces mots « Nos vero contra facimus. Tertio enim loco immoramur, neque eo omne nostrum studium conterimus (1). » Du Moulin modifiera ce texte, et cette fois avec succès, le besoin de clarté l’inspire heureusement « Mais nous faisons tout au contraire, car nous nous arrestons au Troizième, et en luy mettons tout nostre estude et ne tenons compte du Premier, ains en sommes du tout entièrement negligens. Et comment ? Car nous mentons, et toutesfois nous n’avons presque toujours autre chose en la bouche que comment c’est qu’il faut prouver et demonstrer que l’on ne doibt point mentir (2). »

Toutes ces remarques faites assez hâtivement, car ce serait tout un livre qu’il faudrait écrire sur chaque traduction, si l’on voulait pénétrer dans le détail et fixer les sources où chaque auteur a vraiment puisé, toutes ces remarques, disons-nous, permettent de conclure qu’avec Du Moulin la traduction française s’acheminait presque insensiblement à l’amplification, au commentaire. Le Manuel pouvait ainsi fournir matière à développements de moraliste, pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Pourquoi n’avons-nous trouvé qu’une œuvre, une seule, en français, qui fût vraiment comme un développement du Manuel : la Philosophie


(1) Cf. Politien, ouvrage cité, cap. LXVII.

(2) Du Moulin, ouvrage cité, LXVI, p. 58.

    harnois ? » traduction exacte de cette phrase de Politien « Neque enim calceos habet per cerdonem, neque arma per fabrum. » Rivaudeau reprochera avec raison ce contre-sens à Po’litien. Du Moulin ne l’avait point vu.