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LES MENDIANTS DE PARIS

Mais le lendemain matin, l’entretien avec M. de Rocheboise se renouvela.

Herman fit asseoir Marie à ses côtés sur un banc de l’allée, lui prit la main… En voyant la jeune villageoise de plus près, en la regardant plus longtemps, il éprouva pour elle un attrait instinctif, empreint de l’influence des champs, et semblable à celui qui unissait alentour les émanations des plantes.

Il fit alors entendre le langage de la séduction ; il répéta à Marie ces propos tendres et insinuants qu’on redit depuis le commencement du monde, et qui ne vieillissent pas, qui ne perdent rien de leur charme, parce que la jeunesse du cœur les ravive, comme la flamme teint de sa nuance le globe où elle est enfermée.

Herman, dans l’entraînement de son discours pressé, éloquent, arriva même d’une manière trop rapide à la conclusion en demandant à la belle jeune fille de se trouver seul avec elle un instant.

Il n’avait que huit jours à passer à la campagne, et quatre de ces jours étaient déjà écoulés !

Cette fois, Marie comprit bien. Si les offres de fortune, le langage froid et ignoble de la corruption l’avaient trouvée inintelligente, l’expression du désir, simple comme le frémissement d’aile d’un oiseau auprès de sa compagne, devait être entendue de la fille des champs.

Au lieu de répondre, elle se dressa du banc où elle était assise, se tint une minute debout devant Rocheboise, fixant sur lui un regard où le reproche éclatait dans toute sa véhémence, joignit les mains-qu’elle ramena sur sa poitrine en levant les yeux au ciel… puis, s’élançant sous les arbres, franchit en courant l’allée, le rivage, et ne s’arrêta qu’au jardin d’Augeville.

Pierre était au fond de l’enclos à tailler des arbres ; la jeune fille arriva à lui toute essoufflée, s’assit sur le gazon à ses pieds, et lui rapporta tout ce que le beau monsieur venait de dire, tout ce qu’avaient exprimé ses yeux et prononcé ses lèvres.

Le jeune paysan écouta ces détails avec une contraction de nerfs violente. Son poing serrait la serpette luisante et bien affilée dont il était armé, ses sourcils se rejoignaient sur son front pâle.

Pierre avait apporté en naissant un caractère entier, despotique, vindicatif, ses passions étaient de forte trempe comme tout son être. S’il montrait habituellement un calme