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LES MENDIANTS DE PARIS

cris désespérés ; à l’approche de son bourreau, le redoublement d’effroi avait achevé de la briser ; et, dans cette fatale alcôve où elle n’était restée qu’une minute, le baiser du nègre lui avait donné la mort.

Elle en apportait le germe dans son sein, et ses heures étaient comptées.

Pierre, en voyant cette pâleur plus profonde que toutes celles des vivants, ce sang qui venait mouiller les lèvres à chaque souffle qui s’exhalait de la poitrine, comprit tout le danger et se sentit près de devenir fou de désespoir : il pressait son front, le serrait avec rage pour y retenir la pensée, pour pouvoir au moins veiller sur Marie.

Pâle, égaré, haletant, il regardait de tous côtés pour chercher du secours. Il était seul avec la mourante ; la cabane n’était habitée que par la vieille paralytique, qui ne s’était pas même aperçue des événements de la nuit ; à cette heure, personne ne passait sous la fenêtre… Rien ne se présentait à lui ; il ne savait où demander aide et soulagement !

Il allait sortir pour appeler le médecin de l’endroit.

Marie lut cette pensée dans son esprit. Elle jeta ses bras autour de lui et s’attacha à son corps.

— Ne me quitte pas… dit-elle, Pierre ! Pierre, reste là !

— Une minute… pour appeler du secours.

— Non, reste auprès de moi.

— Mais tu as besoin de soins… que je ne peux te donner, hélas !

— Je ne veux plus demeurer sans toi… jamais… jamais…

Elle retomba accablée sur son lit ; mais, enlaçant étroitement un des bras de Pierre, elle le retint fixé contre son sein.

— Mais tu souffres… Marie… ma fille !

— Je n’ai pas peur de mourir… j’ai peur que tu sortes.

— Eh bien ! non… non, mon enfant chérie… je resterais… je ferai tout ce que tu voudras.

— Oh ! je suis bien… je suis heureuse… tu es là ! je crois que je n’ai plus de mal.

— Vrai ! tu te trouves mieux ?

— Je souffre un peu… là… dans la poitrine… mais cela va se passer… tu es là… avec toi, tout est bien ! Ce soir, j’étais sans connaissance… je ne sais pas ce qui est arrivé, et cependant, je suis sûre que c’est toi qui m’as sauvée.