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LES MENDIANTS DE PARIS

man avec la passion qu’elle éprouvait elle-même, mais elle savait que l’amour n’est jamais égal des deux côtés, et que celui qui aime le mieux, qui peut vivre de ces ravissements ineffables, de ces dévouements heureux, de cette constante ardeur de la tendresse exaltée, n’est pas le plus mal partagé.

Cependant, esclave par le cœur, toujours prosternée intérieurement devant Herman, si beau, si séduisant, si parfait de distinction et de grâce, elle ne lui laissait pas voir cet attachement soumis, exclusif, idolâtre. Gardant ce secret au fond de son âme, elle se montrait toujours pour lui une noble compagne, son égale, çalme et digne dans son bonheur.

Du reste, sa candeur, sa loyauté, sa pureté d’âme, ses propres vertus la possédaient si bien elle-même qu’elle les répandait au dehors et les imprimait à toute chose. Elle avait peine à voir le mal dans les autres et ne trouvait rien encore que de beau et de parfait dans l’homme qu’elle aimait aveuglément. Elle devait rester dans une ignorance infiniment prolongée des fautes que pourrait commettre son mari ; mais aussi éprouver une réaction complète, un bouleversement extraordinaire si jamais elle le savait coupable.

Valentine ne donnait au monde et aux honneurs qu’elle devait faire de son hôtel que le temps absolument nécessaire ; sa toilette, toujours fort simple, l’occupait peu ; car le seul sacrifice qu’elle ne pût faire au goût luxueux de son mari était de prendre des ornement si brillants qui, selon elle, ne s’alliaient bien qu’à la beauté ; tout le reste de ses moments était donné à l’étude, à la peinture, à l’accomplissement de ses œuvres de bienfaisance.

Il y avait deux personnes à l’hôtel qui vivaient en dehors de son atmosphère de bruit et de mouvement, et s’étaient fait une existence à part ; c’était Valentine, qui ne tenait aux plaisirs luxueux que par l’amour d’Herman et puis, au dernier rang, Pasqual, qui n’avait rien perdu de son humeur austère, de son flegme insouciant et rêveur dans la situation avantageuse où la confiance et l’affection de son maître l’avaient placé.

Pasqual, au milieu de toutes les tentations de la fortune, montrait une probité qui allait jusqu’au rigorisme, un désintéressement complet pour lui-même. Toujours impassible, pâle et morne, au milieu de ces préparatifs de fêtes dont il créait les splendeur, il errait parmi les séductions