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LES MENDIANTS DE PARIS

mieux ; car tout cela va me surprendre, et j’adore les surprises… Allons, au petit bonheur !

Arrivée au delà du boulevard Montmartre, la voiture s’arrêta au coin de la rue Neuve-Pigale, rue alors toute nouvelle, bien bâtie, mais où les passants se comptaient à de longues distances, où les maisons étaient rares, séparées par des enclos de jardin, et dans la position la plus retirée de Paris.

Madame Laure congédia le cocher, prit la jeune fille sous le bras, et chemina dans la longueur de la rue, jusqu’à une petite porte brune, encadrée dans un mur de jardin ; alors elle s’arrêta, ouvrit la porte avec une clef dont elle était munie, et fit pénétrer Robinette dans un dédale d’allées découvertes, bordées de murs à hauteur d’appui, que surmontait la belle verdure des arbres croissant dans leur enclos.

— Nous voici enfin arrivées, dit-elle en montrant une porte très-basse, très-isolée de toutes les autres, et qu’elle se disposa à ouvrir avec une clef à elle appartenant, comme la première.

Cette manière silencieuse de s’introduire, cette solitude mystérieuse donnèrent quelques craintes à la naïve Robinette.

— Eh mais… où sommes-nous donc ? dit-elle. Il n’y a personne ici ; pas seulement un portier à qui parler… Ah çà ? dites-donc, madame ?

— Laure, appelez-moi Laure, je vous prie, interrompit la femme de quarante ans, qui, en emmenant la jeune fille, l’avait soudain traitée avec un respect étrange, et affectait envers elle un ton d’infériorité.

— Eh bien ! madame Laure…

— Laure tout court, de grâce.

— Savez-vous que vous m’impatientez pas mal avec vos cérémonies… Il ne s’agit pas de vous, mais de moi… Voyons, la main sur la conscience, il n’y a pas de danger ?

— Je vous le jure sur l’honneur.

— Et après avoir reçu… cette charité qu’on veut me faire… je serai libre de m’en aller.

— Oui… si vous le désirez, répondit la matrone en souriant.

— Eh bien ! ouvre, madame ! ouvre ! dit crânement la jeune fille.

Laure poussa la porte qui, en s’ouvrant, laissa voir un