— Quel est votre pays ?
— L’Allemagne.
— C’était aussi celui de ma mère… que je n’ai pas connue, dont on ne m’a presque jamais parlé, et dont il ne me reste rien…
— Que votre nom Herman, nom allemand, et qu’elle a sans doute désirer vous donner.
— Il est probable.
La voix de cette femme, empreinte, comme nous l’avons dit, d’une sorte de distinction, frappait M. de Rocheboise ; il reprit avec bonté :
— Vous avez appartenu, j’en suis certain, à une condition plus élevée que celle où vous vous voilà réduite… vous avez été autre chose que mendiante.
— Religieuse vingt années.
— Religieuse !
— C’est là toute mon existence. Je suis venue bien jeune en France, et j’avais à peine vingt-deux ans quand je suis entrée au couvent des Ursulines, pour y passer vingt ans. Les années de jeunesse qui ont précédé ce temps sont oubliées, et celles de misère qui ont suivi ne comptent pas.
— Mais vous aviez au moins un sort paisible et assuré dans un couvent… c’est un grand malheur pour vous d’être privée de cet abri… Comment l’avez-vous quitté ?
— Volontairement.
— Et la cause qui vous en a arrachée ?
— L’amour.
Il y avait dans ce mot, qui s’élevait ainsi inopinément de cette épaisse verdure, de cette ombre mêlée de parfums, quelque chose de saint et de mystérieux qui imposait à l’âme.
Herman s’avança pas à pas et vint s’asseoir auprès de la vieille femme avec une sorte de respect.
Avant qu’il eût eu le temps de l’interroger de nouveau, elle reprit :
— Oui, l’amour ; un sentiment qui vient remplir et absorber toute noire âme, est si nécessaire à la vie, que nous le cherchons au milieu des orages, que nous le cherchons, s’il le faut, au sein de la misère.
— Et ce sentiment, quelle que soit sa différente nature, quel que soit l’être auquel il s’attache, un père, un frère, un enfant, dès qu’il porte le nom d’amour, il peut commander à l’existence.