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les mendiants de la mort

Herman allait déposer le jonc ; il resta en suspens une minute ; puis il murmura :

— Non, c’est le sort qui remet cette arme entre mes mains… Elle peut m’être bien utile. Allons !

Le malheureux pensait que s’il échouait dans la tentative faite pour retirer et anéantir les faux billets, la mort pourrait le soustraire à l’opprobre que leur existence devrait faire tomber sur lui.

Il garda la canne-poignard, et les deux compagnons d’infortune descendirent de la mansarde.

Arrivés sur le quai de la Grève, ils furent quelque temps sans rencontrer celui qu’ils cherchaient parmi les passants.

L’air était chargé de brouillards congelés et répandait un froid sombre ; il neigeait lentement ; la glace, incrustée aux vitres des boutiques, n’en laissait échapper que de troubles lueurs ; et le quai, plus obscur que de coutume, permettait peu de reconnaître ceux près de qui on passait.

Rocheboise et son compagnon erraient depuis un quart d’heure sans rencontrer personne qui pût fixer leur attention.

La perte de cette entrevue qu’il venait chercher mettait Herman dans le plus cruel danger ; cependant il se sentait soulagé d’échapper à cette crise immédiate et poignante, et respirait déjà plus librement, lorsque, dans un instant où il suivait le parapet, Léon Dubreuil se trouva subitement devant lui.


XVIII

l’arche du pont

Au moment où Rocheboise et Dubreuil se rencontrèrent, un rassemblement de gens du bas peuple sortait de la rue des Nonaindières et descendait sur le quai. Cette arrivée inopportune eut cependant l’avantage d’amener le premier mot de l’entretien, si difficile à trouver en de telles circonstances.

— Vous choisissez mal le lieu de vos rendez-vous, dit Dubreuil à Herman ; ce quartier est encombré de populace.

— Notre entretien ne doit durer qu’une minute, dit Herman.