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les mendiants de la mort

heureux surtout d’entendre sonner cette pendule, dont le timbre, par un effet semblable à celui de la musique dont un air connu nous reporte aux lieux où nous l’avons entendu, le ramenait dans la demeure où il avait vécu près de Valentine.

Dans la soirée, le temps brumeux qui régnait depuis le matin s’était chargé davantage ; la nuit épaisse ne laissait voir aucune étoile, et vers dix heures les alentours de la prison étaient tout à fait solitaires.

Cependant, un peu après que cette heure eut sonné à l’horloge de la Force, l’ombre d’un homme qui suivait la rue Pavée, se dessina de distance en distance dans la ligne de lumière que les réverbères éloignés décrivaient sur le pavé noirâtre.

Presque en même temps, une forme rapide et légère, qui venait à l’opposé, du côté de la rue Culture-Sainte-Catherine, s’avançait aussi vers la prison.

L’homme qui arrivait par le quartier Saint-Antoine marchait d’un pas inégal, et, tout en bottant, disait entre ses dents :

— Il pleut bien fort… et le pauvre Jupiter mouille lui jusqu’aux os !… Puisque c’est toujours comme ça à Paris, moi veux retourner dans le pays d’Orange, pour ne plus marcher à la pluie.

L’autre forme plus svelte et plus déliée qui se dessinait dans la nuit, était celle de Robinette. La jeune fille avait trouvé le moyen de remplir le jour même la commission de Pasqual auprès de Jupiter. Sa curiosité étant éveillée par ce rendez-vous nocturne, elle avait voulu y assister secrètement, et pensait même pouvoir y recueillir quelques indications qui lui seraient utiles plus tard…

Robinette, dans son for intérieur, projetait de sauver Pasqual de la prison.

Dans son temps de prospérité, elle avait lu beaucoup de romans et vu beaucoup de pièces de théâtre : c’était là qu’elle avait appris à connaître le monde. Elle pensait donc qu’on voyait tous les jours des captifs s’évader de leur prison, et elle se disait tout bas en ce moment :

— Avec de beaux yeux et de l’argent, on séduit un geôlier, le geôlier ouvre le guichet, et le prisonnier se donne de l’air… C’est bon… Pour les beaux yeux, je n’en suis pas en peine, il ne manque plus que l’argent… et le geô-