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les mendiants de la mort

lent qu’il fend le cercle épais des mendiants, et vient se poser le pied sur son or. L’un de ses bras puissant et tendu devant la foule, l’autre, dont la main était coupée, est levé au ciel pour implorer la force qui lui manque.

Son visage est éclatant de colère et de puissance ; ce vieillard, autrefois hideux, en ce moment illuminé, grandi par la passion et le courage, se montre effrayant et formidable.

Cependant, les mendiants sont tellement exaspérés, furieux, que, sans songer à la force de l’ennemi, un des plus faibles, des plus infirmes d’entre eux, se jette le premier sur Corbeau, et veut le terrasser.

Le vieillard le renverse d’un seul coup.

Deux autres assaillants qui allaient succéder au premier sont lancés à terre avant d’avoir pu lever la main.

Le vigoureux Eustache s’avance en s’écriant :

— Nom du ciel !… il faut que ça finisse !

Et il fond sur Corbeau armé de toute sa force musculaire.

Après quelques secondes de lutte, Eustache est lancé au loin avec tant de violence, que sa tête va heurter contre la muraille, et s’inonde de sang.

À cette vue, la rage des mendiants redouble ; ils se jettent tous à la fois sur Corbeau et l’enveloppent de leur foule pressée.

La force ne peut rien contre cette étreinte multiple. C’est un réseau dont chaque maille est faible, mais dont l’ensemble est irrésistible. Corbeau rugit, se tort, se débat dans ce filet inextricable ; il est arraché, par le nombre, de la place où il se cramponne et entraîné contre la muraille, mais il mord et déchire encore ses adversaires, tout en tombant hors de combat.

Pendant la lutte, Robinette enfonce rapidement dans une besace, que Pierrot tient ouverte devant elle, l’or, l’argent, les billets de banque.

Corbeau est alors terrassé, retenu par une foule de bras ; mais, assis par terre, le dos appuyé contre le mur, il peut voir la jeune fille ramasser et enlever toute sa fortune au profit de la bande mendiante.

Le vieillard est foudroyé, anéanti : une immobilité complète a succédé en lui aux mouvements violents. Sa tête, inondée de sueur froide, est droite et fixe ; son corps a la raideur de la mort ; la prunelle même de ses yeux rou-