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les mendiants de la mort

qu’il serait bientôt condamné aussi, sans que personne ressentit la douleur de sa mort, et conservât son souvenir.

Mais au bout d’un instant, il vit près de lui, sur le banc, un billet qui venait sans doute d’y être posé, puisqu’avant de se lever il ne l’avait pas aperçu.

L’adresse portait son nom ; il ouvrit le papier, étroitement plié, et y lut ce peu de mots :

« Espérez. Quel que soit l’abîme de douleurs où vous êtes plongé, le malheur n’est jamais irrévocablement gravé dans l’avenir. Il vous reste un ami. Il n’est point de coupable qui ne soit encore aimé. Dieu, qui veut montrer aux plus accablés des hommes qu’il ne les abandonne point, met à côté d’eux un rayon de son amour immense dans le cœur d’un des humains. »

— Oh ! s’écria Herman, qui peut entendre la plus secrète pensée de mon âme et y répondre.

Il relut ces lignes, il répéta espérez, et un moment d’illusion consolante pénétra dans son cœur.

Mais il fut bien rapide. Après avoir cherché de toutes parts dans ses souvenirs de qui pouvait venir ce billet, et n’être parvenu qu’à se convaincre de l’impossibilité d’inspirer encore à quelqu’un tendresse ou pitié, il fut obligé d’attribuer ces lignes à Pasqual, qu’il apercevait derrière la fenêtre d’une cellule donnant sur le préau.

Il pensa que ce fidèle ami avait voulu, dans le moment suprême qui se préparait, lui donner une espérance trompeuse, insensée, mais qui soutiendrait du moins ses forces pendant cette heure terrible du jugement, et grâce à laquelle il pourrait encore montrer du courage… cette dernière dignité des criminels.

Pendant ce temps-là, Pasqual était en effet près de sa croisée, assis devant une petite table, et occupé à régler ses dernières dispositions.

Pasqual, reconnu complice d’un meurtre qu’il avait même semblé préméditer en conduisant les deux ennemis sous l’arche ténébreuse du pont, auquel, du moins, il avait assisté impassiblement, quand il pouvait sans doute y porter opposition, Pasqual devait, selon toute prévision, partager le sort de son maître.

Avant de subir une condamnation infamante, quelle qu’elle fût, il terminait quelques dispositions qui semblaient l’absorber plus fortement que l’événement du surlendemain.