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les mendiants de la mort

Le nègre Jupiter, auquel Pasqual inspirait réellement une sorte de crainte superstitieuse, lui avait fidèlement apporté les deux mille francs prélevés sur le trésor de Corbeau. Cette somme était la seule dont les mendiants eussent encore disposé ; craignant d’éveiller le soupçon par quelque imprudence avant qu’un peu de temps eût passé sur la fosse ouverte par eux à leur vieux camarade, ils avaient soigneusement caché la précieuse sacoche, se réservant d’en faire plus tard le partage ; mais l’argent demandé par Pasqual avait été remis tout d’abord à son messager, qui l’avait fait passer au prisonnier à l’aide d’un cordon tendu par la fenêtre, ainsi qu’un autre objet de peu de volume que Pasqual avait également demandé.

Les deux billets de mille francs étaient posés sur la table du prisonnier, avec deux lettres qu’il venait d’écrire ; il en terminait une troisième qui était adressée à Robinette, et contenait ce qui suit :

« Ma chère enfant, tu m’as toujours aimé depuis que tu sais aimer, et moi j’ai des reproches à m’adresser envers toi. J’ai aidé à la séduction qui a flétri ta première jeunesse pour quelques instants de trompeuse fortune. Cette faute que j’ai commise envers toi tient à un mystère que tu ne connaîtras jamais et que tu ne saurais comprendre. Je ne puis m’en repentir, mais je t’en demande pardon.

« Je répare mes torts autant que possible en m’adressant à toi pour un service important et sacré que j’ai à te demander… c’est te prouver que j’estime ton bon cœur, que je sais que tu trouveras des consolations à ma perte en faisant encore quelque chose pour moi.

« C’est après demain le jour du jugement. Quel que soit l’arrêt du tribunal, accomplis également ce que je vais te demander. Dès le lendemain de ce jour, prends deux de nos anciens camarades avec toi, porte la lettre que je joins ici, et qui contient deux mille francs en billets, au bureau de la préfecture auquel elle est adressée ; on te remettra un papier en retour. Viens ensuite à la prison, demande à voir le directeur ; donne-lui la lettre que je lui écris et que je place sous ce même pli, ainsi que le permis du bureau de la préfecture ; et alors on te laissera pénétrer jusqu’à moi.

« Adieu, pauvre et belle enfant, qui seule a aimé Pasqual sous l’apparence qu’il porte aujourd’hui… Quoi qu’il arrive, ne me plains pas comme tu plaindrais un autre, à