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les mendiants de la mort

— Déjà I s’écria Herman dans le trouble de la surprise, déjà partir… pour Rochefort !

— Pour le lieu qui vous plaira… vous serez libre.

— Libre… grand Dieu ! est-ce bien sûr ?

— Non, rien n’est moins sûr, car nous courons force dangers dans la fuite… pourtant il faut tenter.

— Gauthier… c’est vous qui venez me faire une offre semblable !… Mais vous vous perdez en me sauvant !

— Si je vous sauve, je ne crains pas les reproches qu’on pourra me faire ici demain, car je serai parti avec vous.

— Et si on nous découvre ?

— Vous n’y risquez rien, vous êtes condamné à perpétuité, on ne peut allonger votre chaîne. Moi, j’en aurai pour dix ans de cachot.

— Ah ! grand Dieu !

— Qu’importe… J’ai des raisons pour détester ces murailles…. Et si je dois rester sans cesse me promener autour des cabanons, il vaut autant mourir de chagrin dedans qu’à la porte. Allons !

Herman, au moment de passer le seuil du cachot, dit encore :

— Songez-y… nous pouvons peut-être sortir cette nuit, mais sans moyens de quitter la ville, nous serons arrêtés demain.

— Une fois hors d’ici, l’ami qui vous emmène se charge de tout.

— Que dites-vous ! quel ami ?

— Celui qui a décidé, réglé l’entreprise… Il vous attend ici près, dans une voiture.

— Mais qui est-il ?

— Je n’en sais rien.

— Comment, à quel titre, par quel intérêt peut-il s’exposer ainsi pour moi ?

— Ça ne me regarde pas… quand vous aurez retrouvé la liberté, vous verrez s’il vous convient ou non d’être sauvé par lui.

Cette simplicité, ce calme du vieillard dans un pareil moment avaient une sorte de grandeur. Herman n’hésita plus ; fil lui donna la main et se laissa guider par lui.

Ils suivirent quelque temps le couloir souterrain, d’où on entendait au-dessus les pas de la sentinelle de nuit ; ils retenaient leur haleine, et leur marche ne soulevait aucun bruit.