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les mendiants de la mort

encore un profond soulagement d’être délivré de la honte et du mépris de lui-même. Sa première faute lui semblait expiée par la punition terrible qui l’avait suivie, et il se sentait en quelque sorte dégagé de la responsabilité des autres crimes accomplis sous la puissance occulte qui le poussait fatalement au mal et à la ruine.

Dans les heures solitaires du cachot, une autre pensée eut aussi le temps de se présenter à lui pour lui apporter quelque consolation.

Il savait maintenant que ce n’était point à celui connu si longtemps sous le nom de Pasqual qu’il était redevable des soins bienfaisants dont le charme avait répandu une empreinte moins sombre sur le temps de sa captivité… Ce billet trouvé sur le banc du préau ne venait point de lui non plus… Herman apercevait donc, dans le vague de ce monde maintenant si loin de lui, un être compatissant à son malheur, fidèle à son souvenir… Son nom était ignoré… il le serait sans doute toujours ; mais enfin, cet être existait et sa pensée seule suffisait à rendre un peu de résignation et de courage.

Le soir, Herman ne se coucha point. Il voulait épuiser cette solitude de la prison, qui semblait encore un bienfait auprès de la situation qui allait la suivre.

Il compta les heures. L’une amena le crépuscule qui terminait son seul jour de repos après tant de tourmentes… l’autre fit naître les ténèbres profondes qu’il n’était plus permis au prisonnier de dissiper par aucune lumière… l’autre enfin marqua la cessation de tout bruit, le sommeil de la prison, qui laissait Herman seul à souffrir dans cette vaste enceinte… Une heure de plus vint encore apportant aussi sa tristesse de mort.

Mais, à ce moment avancé de sa veillée, les fermetures de la porte du cachot rendirent un léger grincement, semblable à celui que le fer produit de lui-même dans le repos de la nuit.

Le prisonnier ne pensait pas que ce faible mouvement eût pu faire ouvrir sa porte, qui ordinairement ne cédait qu’à grand bruit… cependant il entendit marcher près de lui.

Quelqu’un lui prit la main en disant :

— Venez !

À ce seul mot, il reconnut la voix de Gauthier.