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les mendiants de la mort

me bénit en allant à la mort, et grâce à son souvenir rappelé, il venait de naître pour moi un avenir meilleur…

— Comment ! dit Herman, ce fut cette circonstance qui décida de votre évasion ?

— De ma délivrance, de ma réunion prochaine avec ma sœur… Écoutez-moi maintenant. Pénétré de l’accent sympathique avec lequel ce jeune homme avait parlé de nous, victimes obscures et depuis si longtemps oubliées, j’allai le voir le soir même. Il m’avait paru si bon, si généreux à notre première entrevue, que je cédai au mouvement qui m’entraînait vers lui.

« Je lui dit alors qui j’étais et tous les sentiments qui remplissaient mon cœur.

« À mesure que je parlais, ses grands yeux noirs s’éclairaient d’une vive lumière, une exaltation extrême se peignait sur ses traits. Par un mouvement étrange, il pressa sur son sein un livre qu’il tenait lors que j’étais entré. C’était le livre des Prisons de l’Europe, dans lequel il avait lu tous les détails concernant le maison d’arrêt de la Force.

— Écoutez-moi, dit-il. Vous me parlez avec toute confiance, après m’avoir vu un instant ; moi, je vais vous répondre de même sans vous connaître davantage, et, je le sens, nous ne serons trompés ni l’un ni l’autre.

« Là, dans ce livre, continua-t-il, au sujet de l’épisode qui concerne votre malheureuse famille, j’ai vu que cette ouverture par laquelle vous vous entreteniez autrefois avec votre sœur communique maintenant à des bâtiments abandonnés, d’où on arrive à la cantine… En rouvrant la place où fut la grille, on peut faire évader un prisonnier… Et je veux, moi, rendre un prisonnier de la Force à la liberté.

« À ces mots, il me regarda fixement. Mes yeux ne peignaient que l’admiration pour son généreux courage. Il continua avec confiance :

— C’est pour cela que je suis allé dans ce vieil édifice chercher partout la trace de ce passage ; je l’ai retrouvée. Et dans le moment où je parlais de cette communication, dont la pensée vous est si douloureuse et si chère, nous étions également émus, vous de souvenir et moi d’espérance.

« Il fallait cependant qu’un des familiers de la prison secondât mon dessein, et je désespérai de le trouver à prix d’or… Le ciel vous a envoyé à moi. Ce n’est pas une récompense matérielle que je vous offre, à vous qui avez