Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
les mendiants de la mort

vernent, distinguer les son… Mais le vent gronde avec violence ; il vient en mugissant du fond du rivage, lance la pluie dont il est chargé contre les vitraux, et rend un autre bruit plus haut qui ne laisse rien distinguer dans l’intérieur.

Cet enfoncement sombre, dont le secret glace Herman d’effroi, est si près !… Et cependant il ne peut y pénétrer, parce que la barrière de la terreur l’en sépare !… Il reste à sa place, pâle, tremblant, le front mouillé de sueur froide, et s’appuyant dans l’embrasure de la fenêtre pour ne pas défaillir.

Mais il vient un instant où le son de la voix qu’il a entendu dans l’alcôve est si distinct, qu’il ne doit plus douter du témoignage de ses sens… Alors sa situation devient insupportable… Ne pouvant endurer cette souffrance passive, honteuse et dévorante, il trouve des forces dans l’excès de son épouvante : il s’élance vers l’alcôve et en tire le rideau avec violence.

Une femme… une jeune fille est étendue sur le lit… Herman fait quelques pas en arrière, et tombe à demi évanoui dans un fauteuil.

Au même instant, dans cette enceinte morne, lugubre, résonne le plus frais, le plus sonore éclat de rire… Et c’est Robinette qui, d’un bond léger, saute du lit et s’élance sur les genoux d’Herman.

Ce radieux visage de jeune fille penché sur le sien ranime Herman et chasse le froid mortel répandu autour de lui avec une promptitude qui tient du prodige ! C’est le plus chaud et le plus brillant rayon de soleil passant entre les nuages et venant embrasser toute une terre glacée.

Les sources de la vie rejaillissent avec force dans le sein du jeune homme, son rang réchauffé afflue à son cœur, qui se dilate et palpite doucement dans un soulagement indicible.

— Oui, oui, c’est moi ! dit Robinette en battant des mains. N’est-ce pas que tu es joliment surpris de me voir là ?

Puis, comme à sa sortie de l’alcôve elle a trouvé Herman pâle et défaillant, elle pense qu’elle lui a fait une grande peur. À son âge, il faut si peu de chose pour allumer une gaîté folle, qu’à la pensée de la terreur qu’elle a causée, ses rires redoublent et deviennent inextinguibles. Dans cet accès de jubilation, les roses de son teint s’épanouissent, des larmes de rire perlent dans ses beaux yeux.