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les mendiants de la mort

Après cette soirée, il avait passé quelques jours éloigné de la mansarde.

La première fois qu’il y revint, il vit un homme s’arrêter et sonner à la porte du pavillon. Il reconnut Léon Dubreuil. Celui-ci fut introduit près de madame de Rocheboise… dans cette retraite que, selon les apparences, personne n’avait le droit de partager… Cette jalousie qui avait toujours existé en lui, s’adressant d’abord à son amour-propre, puis à son cœur désolé, se réveilla plus fortement que jamais et avec plus d’amertume et de colère.

Dans un élan impétueux, mais plein cependant de ferme résolution, il jura de s’introduire dans cette demeure qu’il ne lui était pas ordonné de respecter, puisqu’un étranger osait bien en rompre la solitude.

Ce qu’il dirait à Valentine, dans la position étrange et terrible où il se trouverait devant elle, il l’ignorait complètement, c’était bien assez pour son esprit faible et bouleversé de trouver les moyens d’y parvenir.

Cela même était au-dessus de ses forces, car plusieurs jours s’étaient déjà écoulés sans qu’il eût rien résolu ni imaginé.

Un soir, la tête dépourvue d’aucune idée fixe et applicable, mais le cœur débordant de sentiments passionnés et divers, Herman était resté plus tard que de coutume dans la mansarde.

Six heures venaient de sonner, mais la nuit précoce était déjà close. Le pauvre proscrit se promenait de long en large en fumant un cigare, le seul foyer et la seule lumière qu’il pût avoir dans ce malheureux réduit. Diamant était venu voir son maître, mais le trouvant absorbé dans ses rêveries, il se contentait de se tenir près de lui, et de le suivre pas à pas en silence.

Herman, à chaque retour de sa marche, regardait la fenêtre du pavillon. Comme il en était là, un coup de vent violent, donnant du côté voisin, ouvrit tout au large les Persiennes de la chambre de Valentine.

La lumière intérieure, dans une soirée très-sombre, lui montrait les objets de cette retraite plus distinctement qu’il ne les avait encore vus.

Valentine était assise dans une chaise longue, entre le feu et le guéridon sur lequel reposaient sa lampe, ses livres, sa broderie. La jeune femme avait la tête penchée