Aller au contenu

Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du plein midi, l’heure de la vision parfaite. Son extase n’est point pénible et douteuse appréhension d’un univers plus deviné que vu, elle est vision d’un coup, vision totale et joyeuse, lignes nettes, inoubliables, amitié et santé.

« Je n’avais point jeûné la veille. »

Elle le dit pour les docteurs présents et les docteurs futurs.

« Cela était-il bien de faire assaut un jour de fête ?

— Passez outre. »

Les juges semblent calquer ici les questions des pharisiens. À Jésus aussi on demandait s’il était bon d’agir le jour du sabbat. Mais le Maître et le disciple sont d’accord pour faire d’abord leur métier, qui est œuvre de salut, éternel ou temporel, comme tous ceux qui mettent l’esprit avant la lettre et dédaignent les prescriptions formelles. Ainsi Jeanne, à chaque instant, retrouve-t-elle en son âme le réalisme du Créateur.

« Avez-vous remercié cette voix ? et avez-vous fléchi les genoux ?

— Je l’ai remerciée, mais en m’asseyant en mon lit, et j’ai joint les mains. »

J’imagine que les juges ont été choqués. Ils ne peuvent concevoir qu’on parle à Dieu autrement qu’à genoux : assis, cela passe les bornes. Mais Jeanne n’a aucun souci de l’étiquette. Elle reçoit les saintes comme elles viennent, et ne fait pas pour elles de frais de toilette. Dans ses champs, dans son lit, assise, couchée, elle est toujours prête à les accueillir, simplement, comme des amies merveilleuses.

« Cette nuit même, la voix m’a dit moult de choses pour le bien de mon roi, que je voudrais