Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/28

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qu’il sût dès maintenant, dussé-je ne pas boire de vin jusqu’à Pâques. »

Et on voit bien que cela lui coûte.

« Si j’étais dans un bois, j’entendrais bien la voix venant à moi. »

Encore une fois, les relations entre Dieu et l’homme sont tout d’abord personnelles aucun « protestantisme » là-dedans. Mais on ne saurait se parler, quand il s’agit d’amour, devant la foule assemblée, et les docteurs en furie. Jamais Jeanne n’a eu une vision devant ses juges. Mais elle est secouée de frissons et pense aux saintes, parfois, dans ces étranges absences dont on nous a parlé lors de son abjuration, et qui sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne l’a cru dans son procès (elles expliquent bien des choses). C’est qu’alors elle se voit seule, et appelle d’un coup, en même temps que la vision, le décor qui l’a contenue. Il lui faut le jardin de son père, l’éblouissement de midi, le bois. De là cette naïveté, cette jeunesse de la sainteté. C’est une sainteté franciscaine, qui ne refuse pas d’associer la création à l’image du Créateur, et s’émerveille de sa beauté. L’ombre des forêts qu’invoque la pécheresse des tragédies profanes, cette ombre fraîche, cette ombre où court une ombre chasseresse, voici que nous la retrouvons ici, à notre grande surprise, voici qu’elle sert à abriter un plus vif amour, et plus dévorant encore, et plus pur. Parenté des désirs humains ! Cris qui se répondent, d’un cantique des cantiques charnel aux plaintes d’un Saint Jean de la Croix ! Ainsi nous est enseignée la manière non de fuir le monde, mais de le transmuter, par une alchimie de chaque jour, et de faire du décor passionnel un décor de sainteté. Ce que Dieu a créé nous aide à l’écouter.

En copiant ces pages admirables, j’étais certes frappé par la poésie naturelle, faite de jeunesse, de fierté, de ces évocations inouïes d’arbres en