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Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/30

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outre ! Ce n’est pas de votre procès ! Vous ne saurez rien ! » Nous la voyons, dans son habit d’homme, relevant la tête, haussant les épaules devant tant de questions saugrenues et inutiles, ardente, brûlante de vie, toute prête à s’échapper, à courir dans les champs. Comme elle est belle, et jeune, cette enfant qui ne sait pas ce que c’est que la prudence, qui, à chaque instant, blesse ses juges avec une témérité magnifique, et humble avec tout cela, sans orgueil ni souci d’elle-même, ne songeant qu’à Dieu, à sa mission et au Roi.

Jeanne, admirable Jeanne ! Parmi tant d’images qu’elle peut nous proposer, celle de la sainte, celle de la jeune guerrière, et d’autres, on me pardonnera de m’arrêter à une qui m’est chère entre toutes, celle de cette insolente jeunesse. Jeanne, c’est la jeunesse qui ne respecte pas. Elle rit des conventions et des puissances fausses. Elle saute dedans comme de son échelle elle sautait dans les villes prises en criant : « Tout est nôtre. » Les vieux universitaires, les vieux théologiens vendus à l’Angleterre sont peut-être très savants, bien qu’ils la jugent comme s’ils ne croyaient ni aux révélations ni aux anges, mais elle sait que cette science n’est que fausse science. Ils sont réunis pour la perdre, couvrent une fois de plus de raisons religieuses une machination purement politique, elle le sait, mais elle ne résiste pas au plaisir de se sentir forte de sa raison, forte de son droit. L’Église, elle l’aime et la veut servir : de quel droit ceux-ci se disent-ils l’Église ? Plus âgée, elle eût peut-être biaisé, rusé ! Mais c’est la jeunesse qui joue franc jeu, et se risque tout entière, au dangereux plaisir d’être dans son droit. Les personnes raisonnables n’aiment pas la jeunesse qui a raison. Et il faut bien avouer qu’elle a une si blessante façon d’avoir raison. Elle ne pèse pas ses mots, elle réagit avec violence, immédiatement : « Pensez-vous que Notre-Seigneur n’ait pas de quoi la vêtir ? »

Et tout cela avec une gaieté, une paix de l’âme qui nous ravit. Je ne sais quel saint disait que Dieu n’aimait pas les saints tristes, ou plutôt