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qu’il n’y avait pas de saints tristes. Jamais parole n’a été vraie plus que pour Jeanne. Nous la voyons, nous l’entendons rire de son grand rire clair. Qu’on l’écoute raconter comment à Troyes, où on la croyait plus ou moins sorcière, on lui envoya un prêtre pour l’exorciser. Et comme, en approchant avec crainte, il faisait le signe de la croix, et jetait de l’eau bénite, elle lui dit : « Approchez hardiment : je ne m’envolerai pas. »

À travers les pages de ce procès, dans un temps qui est un temps d’acceptation générale et de soumission, Jeanne nous propose, avec ce sourire, la magnifique vertu d’insolence. Une jeune insolence, une insolence de jeune sainte. Il n’est pas de vertu dont nous ayons plus besoin aujourd’hui. Elle est un bien précieux qu’il ne faut pas laisser perdre le faux respect des fausses vénérations est le pire mal. Par un détour en apparence étrange, Jeanne nous apprend que l’insolence, à la base de toute reconstruction est à la base même de la sainteté. À ce mépris des grandeurs illusoires, elle a risqué et perdu seulement sa vie : mais elle pensait qu’il est bon de risquer sa vie dans l’insolence lorsqu’on n’aime que les vraies grandeurs.

On connaît de Jeanne les mots cornéliens, la subtilité héroïque. Mais il me semble que c’est déjà la raidir, la soumettre à un modèle admirable, où elle a apporté plus de souplesse.

« Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu ?

« — Si je n’y suis, Dieu m’y mette ; et si j’y suis, Dieu m’y tienne. »

C’est ici que la mémoire commune arrête la réponse sublime. Et sans doute n’aurait-on pas fini d’épiloguer sur ce qu’elle recèle de profonde raison, d’habileté, en même temps que d’humilité et de noblesse véritablement inspirée. Mais pourquoi oublier la suite, pourquoi oublier les paroles modestes :

« Je serais la plus dolente du monde si je savais