Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/32

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n’être pas en la grâce de Dieu. Et si j’étais en péché, je crois que la voix ne viendrait pas à moi. Et je voudrais que chacun l’entendit aussi bien comme moi. »

Voit-on comment le chant s’élève, après le cri de la guerrière ? Elle soupire, elle tend les mains, elle s’interroge, et sous cette douce plainte, murmurée, berçante, cette mélodie humaine, avec ses reprises et ses rejets tant d’espoir, tant de confiance perce ! Grave et sage raison, qui ainsi s’achève en musique.

Il est une page du Procès que Barrès aimait à citer et qui devait bien, en effet, l’arrêter. Je m’étonne qu’elle ne soit pas plus illustre. Sans doute, tous ceux qui ont été touchés par Jeanne la connaissent, et nous n’oublierons jamais la voix de Ludmilla Pitoëff lorsqu’elle la disait ; mais elle devrait être chantée partout, célèbre comme une des plus belles pages de notre langue. C’est un hymne véritablement né de la colline inspirée, avec son paganisme naïf, l’accord éternel de la chapelle et de la prairie, et tout cela caché sous une sorte de babillage merveilleux, de cris d’oiseau sous la feuille. Ainsi, grâce aux mots les plus joyeux de notre race, Mai dresse ce décor de feuillages au travers duquel on aperçoit le bûcher de Rouen. Au printemps de Lorraine, un autre printemps plus cruel répond, et de ces surimpressions tragiques naît la poésie, naît le trouble unique qui s’empare de nous. Écoutons la guerrière shakespearienne :

« Assez proche de Domrémy, il y a certain arbre qui s’appelle l’Arbre des Dames, et d’autres l’appellent l’Arbre des Fées. Auprès, il y a une fontaine. Et j’ai ouï dire que les gens malades de fièvre boivent de cette fontaine et vont quérir de son eau pour recouvrer la santé. Et cela, je l’ai vu moi-même ; mais ne sais s’ils en guérissent ou non. J’ai ouï dire que les malades, quand ils se peuvent lever, vont à l’arbre pour s’ébattre.