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Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/34

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des anges. Et c’est bien, sans attacher plus d’importance qu’il ne convient à ce paganisme ingénu, un mariage de la terre et du ciel qui est parfaitement français. Oui, il devait plaire à Barrès qui retrouve en Jeanne, si curieusement, le sang de Velleda et celui des centurions romains. Elle devait lui plaire, cette sainte si naïve, qui aimait le vin excellent, les parures, les robes dorées, les belles armes, et se faisait réprimander pour tout cela par les pharisiens, cette sainte sans raideur qui aimait la beauté, ne croyait point aux fées, mais chantait des chansons pour les enfants qui y croyaient, tressait des couronnes à la Vierge dans les bois et riait aux anges dans ce décor de printemps auquel elle songerait, six ans plus tard, sur son bûcher.

« Ceci est inscrit dans le livre de Poitiers. »

Personne n’a jamais retrouvé ce livre de Poitiers, auquel Jeanne renvoie constamment ses juges : des trois procès de Jeanne d’Arc, nous n’avons conservé que le procès de Condamnation et le procès de Réhabilitation ; il nous manque le procès de Sanctification, cette enquête que l’on fit à l’Université pour savoir si la jeune fille visitée par les anges était digne de sa mission. Là, devant des hommes qui, quelque prudents qu’ils fussent, croyaient en elle (ou, en tout cas, faisaient semblant), Jeanne a dû se livrer sans réticences, expliquer ses voix, sa formation.

On rêve d’un grenier de presbytère, entre Poitou et Île-de-France, peut-être en Touraine, peut-être en Anjou. On rêve de vacances, et de recherches dans ce grenier, et de la fenêtre ouverte sur l’été, et de l’odeur des mirabelles et des roses mûres. Une poussière dorée monterait des plinthes, descendrait en rayons par les lucarnes. Et, dans un tas d’archives et d’actes de possession, parmi les registres de baptême, les transmissions de terrain, les doubles expéditions no-