Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/35

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tariées de ventes et de successions, on trouverait un paquet mal ficelé, dont il manquerait la première page. Il manque toujours la première page des manuscrits : c’est une malice innocente du destin ou des érudits. On lirait, et peu à peu, hors des formules du latin ecclésiastique, éclaterait ce français plein de suc, reconnaissable entre mille. Nous serions tout à coup entourés par les anges et par les saintes : les Dominations descendraient dans le grenier comme dans une cathédrale. Et peu à peu — ou plutôt tout d’un coup, sans vouloir nous l’avouer ― nous serions sûrs qu’il s’agit de ces Enfances Jeanne, merveilleusement perdues, merveilleusement retrouvées, et Domrémy, et les plaines de Meuse, et les bois de Monseigneur Pierre de Bourlemont, et la leçon la plus secrète de Saint Michel Archange, tout cela apparaîtrait devant nous, au milieu même du grenier tourangeau ou angevin, pendant que la bonne du curé, le visage aussi cuit et aussi rayonnant que sa tarte aux prunes, nous hélerait d’en bas pour le dîner.

Le mot qui revient peut-être le plus souvent dans le procès, c’est le mot de lumière :

« Quand vous avez vu la voix qui venait à vous, y avait-il de la lumière ?

— Il y avait beaucoup de lumière de toute part, et cela est convenable… Il y avait plus de trois cents chevaliers et cinquante torches, sans compter la lumière spirituelle. Et rarement j’ai eu révélations sans qu’il y ait lumière. »

Jusqu’à ce que cet amour de la lumière, ce blanc et parfait et lucide amour éclate dans la phrase terrible, la plus dure qu’aient jamais entendue les juges :

« Toute lumière ne vient pas que pour vous. »