Page:Robert Brasillach - Le Procès de Jeanne d'Arc (1941).djvu/81

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dormis. Quand vint le matin, je demandai si elle était venue et elle me répondit qu’elle était venue, et que je dormais et qu’elle n’avait pu m’éveiller. Alors je lui demandai si elle ne viendrait point le lendemain, et elle me répondit que oui. Pour laquelle chose, je dormis de jour, afin de pouvoir veiller la nuit. Et je couchai la nuit suivante avec Catherine, et veillai toute la nuit. Mais je ne vis rien, bien que souvent je lui demandasse si elle ne viendrait point. Et Catherine me répondait : oui, tantôt.

L’Évêque. — Que fîtes-vous sur les fossés de la Charité ?

Jeanne. — J’y fis faire un assaut. Mais je n’y jetai point et n’y fis point jeter eau bénite par manière d’aspersion.

L’Évêque. — Pourquoi n’y êtes-vous point entrée, puisque vous aviez commandement de Dieu ?

Jeanne. — Qui vous a dit que j’avais commandement de Dieu d’y entrer ?

L’Évêque. — N’en eûtes-vous point de conseil de votre voix ?

Jeanne. — Je m’en voulais venir en France. Mais les gens d’armes me dirent que c’était le mieux d’aller devant la Charité premièrement.

L’Évêque. — Avez-vous été longtemps dans la tour de Beaurevoir ?

Jeanne. — J’y fus quatre mois environ. Quand je sus que les Anglais venaient pour me prendre, je fus moult courroucée ; et toutefois mes voix me défendirent plusieurs fois de sauter. Enfin, par terreur des Anglais, je sautai et me recommandai à Dieu et à Notre-Dame. Et quand j’eus sauté, la voix de sainte Catherine me dit que je fisse bon visage et que je guérirais, et que ceux de Compiègne auraient secours. Je priais toujours pour ceux de Compiègne avec mon conseil.

L’Évêque. — Que dites-vous, quand vous eûtes sauté ?

Jeanne. — Aucuns disaient que j’étais morte. Et sitôt qu’il apparut aux Bourguignons que j’étais en vie, ils me dirent que j’avais sauté.