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Page:Robert Chénier - Barreaux (1945).djvu/27

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Pardonnez-nous, Seigneur, si nos âmes charnelles
Ne veulent pas quitter leur compagnon, le corps,
Et si je ne puis pas, ô terre fraternelle,
Goûter de l’avenir une autre forme encor.

Pardonnez-nous, Seigneur, dans nos prisons captives
De songer avant tout aux vieux trésors humains
Et de nous retourner toujours vers l’autre rive,
Et d’appeler hier plus encor que demain.

Car les enfants pressés contre notre joue d’homme,
Les êtres qu’ont aimés nos cœurs d’adolescents,
Demeurent à jamais devant ceux que nous sommes
L’espoir et le regret les plus éblouissants.

Et nous ne pourrions pas, pétris de cette terre,
Rêver à quelque joie où ne nous suivraient pas
La peine et le plaisir, la nuit et la lumière
Qui brillaient sur le sol où marquèrent nos pas.