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Psaume III

Il vient auprès de nous tous les captifs du monde,
De ce monde total fermé de barbelés,
Et je songe à la nuit où leurs ombres se fondent,
Où tous leurs désaccords paraissent jumelés.

Il vient auprès de moi les captifs de la terre,
Ceux qui se sont battus, ceux qui se sont haïs,
Maintenant rassemblés par la même misère,
Et parmi leurs prisons à jamais réunis.

Voici, je reconnais vos formes dissemblables,
Ô mes frères captifs de multiples cachots,
Vos camps dans la tourbière où souffle un vent de sable,
Votre cellule étroite avec ses neuf barreaux ?

Le soldat prisonnier contemple son mirage,
Sous les noirs miradors où veille un gardien gris,
Et depuis tant d’années fait lever les images
D’un pays effacé et d’un foyer pâli.