Page:Robert Chénier - Barreaux (1945).djvu/29

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Traînant hors de l’oubli leur peine sans figure,
Ceux-là dont nul ne sait à tout jamais plus rien,
Les déportés perdus dans leurs landes obscures
Se sont levés dans l’ombre et me tendent la main.

Les ouvriers parqués dans l’enclos de baraques,
Les condamnés errant dans les mines de sel,
Les évadés furtifs que les polices traquent
Sortiront bien un jour du silence mortel.

Je ne distingue plus les traits de ces fantômes,
Ils sont pareils, ils vont marchant du même pas,
Les épaules courbées sous le mal d’être un homme,
Et, fraternellement, ils me parlent tout bas.

Seigneur, Voici venir les captifs de la terre,
Seigneur, Vous avez fait les libres horizons,
Mais l’homme seul a fait la prison et la guerre,
Seigneur, ce n’est pas Vous qui faites les prisons.

Faites que quelque jour, de leurs terres lointaines
Quittent leurs durs ennuis les captifs de partout,
Faites qu’ils laissent là leurs verrous et leurs chaînes
Et que tous les absents soient présents parmi nous.