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Le Vingtième Siècle

— Cela ne fait rien, dit Estelle, nous irons voir les manœuvres.

— S’il n’y a pas de danger, fit observer la prudente Grettly.

— Si vous êtes là, ma chère Estelle, je prendrai mes ennuis en patience et je tâcherai que ma batterie se distingue dans ces combats pour rire, » dit Georges en riant.

Il fut convenu que Georges partirait le soir même, à dix heures, pour Kerloch, d’où un train de tube devait le conduire à Châteaulin.

La charmante Estelle et Grettly, accompagnées de Sulfatin, ainsi que La Héronnière, très fatigué de l’usure cérébrale dans l’effort qu’il avait fallu pour deviner les plans de Sulfatin, gagneraient Châteaulin le lendemain dans la matinée.

Les armées d’aujourd’hui sont des organismes extraordinairement compliqués, dont tous les rouages et ressorts doivent marcher avec une sûreté et une précision absolues. Pour que la machine fonctionne convenablement, il faut que tous les éléments qui la constituent, tous les accessoires divers s’emboîtent avec la plus grande régularité, sans à-coup ni frottement.

Il le faut bien, hélas ! et maintenant plus que jamais ! Le Progrès, qui, d’après les suppositions de nos bons rêveurs des siècles passés, devait, dans sa marche triomphale à travers les civilisations, tout améliorer, hommes et institutions, et faire à jamais régner la Paix universelle, le Progrès ayant multiplié les contacts entre les nations, ainsi que les conflits d’intérêts, a multiplié de même les causes et les occasions de guerre.

Les mœurs, les habitudes, les idées d’aujourd’hui, enfin, diffèrent des idées d’autrefois autant que le monde politique, en sa constitution actuelle, diffère du monde politique de jadis. — Qu’était-ce que la petite Europe du 19e siècle, régentant les continents de par la puissance que lui fournissaient ses sciences — à l’état embryonnaire pourtant, mais dont elle seule monopolisait la possession ? L’Europe seule comptait. Maintenant, la Science, s’étant comme un flot d’inondation répandue à peu près également sur toute la surface du globe, a mis tous les peuples au même niveau, ou à peu près, aussi bien les vieilles nations méprisées de l’Asie que les peuples tout jeunes nés de quelques douzaines d’émigrants ou d’un noyau de convicts et d’outlaws dans les solitudes lointaines des Océans. Maintenant, tout l’univers compte, car il possède les mêmes explosifs, les mêmes engins perfectionnés, les mêmes moyens pour l’attaque et la défense.

Les idées n’ont pas moins changé, ô rêveurs de l’universel embrasse-