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Le Vingtième Siècle

hors d’état de nuire à ses troupes ou de s’opposer à sa marche en avant, n’est-ce pas ? Il fallait, jusqu’à présent, se livrer pour cela à de féroces tueries, par le canon, les explosifs, les produits chimiques, les gaz asphyxiants, etc.… Eh bien ! lorsque je serai maître de tous mes procédés, toutes les armées que l’ennemi lancera sur nous, je me chargerai de les coucher sur le sol, intoxiquées, malades autant que je le voudrai et, pour quelque temps, incapables de lever le doigt ! La science, à force de perfectionner la guerre, la rend humanitaire, je maintiens le mot ! Au lieu d’hommes, dans la fleur de leur vigueur et de leur santé, couchés par centaines de mille dans un sanglant écrabouillement, la guerre, par les corps médicaux offensifs, ne laissera sur le carreau que les valétudinaires, les affaiblis, les organismes grevés de mauvaises hypothèques, qui n’auront pu supporter l’effet des miasmes ! Ainsi la guerre, éliminant les êtres faibles et maladifs, tournera finalement au profit de la race… Une nation vaincue sur le champ de bataille se trouvera, en compensation, purifiée, j’ose le dire ! Ai-je raison de qualifier de bienfaisante et d’humanitaire cette future forme de la guerre ? N’ai-je pas, en définitive, le droit de me proclamer un véritable bienfaiteur de l’humanité, puisque avec la guerre purement médicale que j’inaugure je terrasse à jamais l’antique barbarie ? Maintenant, donnez-moi deux ans encore ou dix-huit mois, le temps de porter au point de perfection les engins spéciaux que je rêve, de surmonter les dernières difficultés et de réunir des approvisionnements de gaz toxiques suffisamment étudiés, préparés et dosés… et revenons pour l’instant à notre affaire…

— Du grand MÉDICAMENT NATIONAL ! acheva Sulfatin.

National ! appuya Philox Lorris, c’est un médicament national que je veux lancer et pour lequel je sollicite l’appui du gouvernement ! Mon grand médicament microbicide, dépuratif, régénérateur, réunit toutes les qualités, concentrées et portées à leur maximum, des mille produits divers plus ou moins bienfaisants, exploités par la pharmacie ; il est destiné à les remplacer tous… L’État, qui veille surtout et sur tous, qui s’occupe du citoyen souvent plus que celui-ci ne voudrait, qui le prend dès l’instant de sa naissance pour l’inscrire sur ses registres, qui l’instruit, qui dirige une grande partie de ses actions et l’ennuie très souvent, il faut l’avouer, qui s’occupe même de ses vices, puisqu’il lui fournit son alcool et son tabac, l’État a pour devoir de s’occuper de sa santé… Pourquoi n’aurait-il pas le monopole des médicaments, comme il avait jadis celui des allumettes,