Page:Robida - Le Vingtième siècle - la vie électrique, 1893.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
Le Vingtième Siècle

— Enfin, reprit le père, à ton âge, j’avais déjà lancé mes premières grandes affaires, j’étais déjà le fameux Philox Lorris, et toi, tu te contentes d’être un fils à papa, tu te laisses tranquillement couler au fil de la vie… Qu’es-tu par toi-même ? Lauréat de rien du tout, sorti des grandes écoles dans les numéros modestes et, pour le quart d’heure, simple lieutenant dans l’artillerie chimique…

— Hélas ! voilà tout, fit le jeune homme, pendant que son père, dans la plaque du téléphonoscope, tournait rageusement le dos et s’en allait au bout de sa chambre ; mais, est-ce ma faute si tu as tout découvert ou inventé, et tout arrangé ?… je suis venu trop tard dans un monde trop bien outillé, trop bien machiné, tu ne nous as rien laissé à trouver, à nous autres !

— Allons donc ! Nous n’en sommes qu’aux premiers balbutiements de la science, le siècle prochain se moquera de nous… Mais ne nous égarons pas… Georges, mon garçon, j’en suis désolé, mais, tel que te voilà, tu ne me parais guère préparé à reprendre, maintenant que tes années de service obligatoire sont faites, la suite de mes travaux, c’est-à-dire à diriger mon grand laboratoire, le laboratoire Philox Lorris, à la réputation universelle, et les deux cents usines ou entreprises qui exploitent mes découvertes.

— Veux-tu donc te retirer des affaires ?

— Jamais ! s’écria le père avec énergie, mais j’entendais t’associer sérieusement à mes travaux, marcher avec toi à la découverte, chercher avec toi, creuser, trouver… Qu’est-ce que j’ai fait auprès de ce que je voudrais faire si j’avais deux moi pour penser et agir… Mais, mon bon ami, tu ne peux pas être ce second moi… C’est déplorable !… Hélas ! je ne me suis pas préoccupé jadis des influences ataviques, je ne me suis pas suffisamment renseigné jadis !… Ô jeunesse ! Moi, no 1 d’International scientific industrie Institut, j’ai été léger ! Car, mon pauvre garçon, je suis obligé d’avouer que ce n’est pas tout à fait ta faute si tu n’as point la cervelle suffisamment scientifique ; c’est parbleu bien la faute de ta mère… ou plutôt d’un ancêtre de ta mère… J’ai fait mon enquête un peu tard, j’en conviens, et c’est là que je suis coupable. J’ai fait mon enquête et j’ai découvert dans la famille de ta mère…

— Quoi donc ? dit Georges Lorris intrigué.

— À trois générations seulement en arrière… une mauvaise note, un vice, une tare…

— Une tare ?