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Le Vingtième Siècle

Nous plaiderons !… Je ne suis pas le premier venu, je suis un malade connu, j’ai une notoriété, l’effet pour le lancement de votre produit est donc bien plus considérable, je veux entrer tout à fait dans l’affaire ou bien nous plaiderons !

— En attendant, dit Sulfatin impatienté, comme, de par notre traité, vous êtes encore sous ma direction, vous allez venir ou je vous fais avaler d’autres médicaments et je vous remets dans l’état où vous étiez lorsque je vous ai entrepris… C’est mon droit… je vous réintègre dans votre couveuse, vous n’étiez pas gênant, là… Je me suis engagé par notre traité à vous faire durer ; je vous ferai seulement durer, voilà tout !

— Voyons ! ne discutons pas, dit Philox Lorris impatienté ; M. La Héronnière sera de l’affaire, j’y consens, c’est entendu… D’ailleurs, voici M. des Marettes qui s’ennuie… »

En effet, dans le petit salon, M. des Marettes se promenait de long en large d’un air agité, en murmurant des phrases indistinctes :

« … Irréductible esprit de domination… servi par un charme dangereux, pernicieux… profonde astuce cachée sous un vernis de fausse douceur… Femme, créature artificielle et artificieuse…

— Ah ! ah ! fit M. Lorris, je n’ai pas besoin de vous demander des explications, grand homme ; je reconnais le portrait, vous travaillez à un discours destiné à battre en brèche les prétentions du parti féminin… »

M. des Marettes passa la main sur son front.

« Je vous demande pardon, messieurs, je m’oubliais… Nous disions donc ?

— Nous disions, reprit Philox Lorris, que j’avais à vous présenter un homme que vous avez connu, il y a peu de mois, tombé, par l’excessif surmenage moderne, dans une lamentable sénilité… Regardez-le aujourd’hui ! »

Philox Lorris amena l’ex-malade en pleine lumière.

« Ce cher La Héronnière ! s’écria M. des Marettes, est-il possible ! Est-ce bien vous ?

— C’est bien moi, répondit l’ex-malade en souriant ; vous pouvez en croire vos yeux, je vous assure… »

Et La Héronnière se frappa vigoureusement sur la poitrine.

« Le coffre est bon, je vous l’affirme, l’estomac digne de tous éloges, et je ne dirai rien du cerveau, par pure modestie !

— Vous tenez sur vos jambes ? on le croirait vraiment, ma foi ! Vous n’êtes donc plus en enfance ?