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Le Vingtième Siècle

Sulfatin, en effet, n’était pas encore complètement revenu de son trouble de tout à l’heure ; lui, jadis l’homme froid et mesuré par excellence, il était agité, fronçait les sourcils par moments et se promenait d’un pas saccadé.

« Voici donc, reprit M. Philox Lorris lorsque Sulfatin lui eut remis les deux flacons, voici donc le grand médicament que j’aspire à dénommer national ; dans ce minuscule flacon est le liquide pour les inoculations microbicides, et dans cette fiole le même liquide, considérablement dilué et mélangé à différentes préparations qui en font le plus puissant des élixirs… Une inoculation tous les mois du vaccin microbicide, deux gouttes matin et soir de l’élixir, voici le traitement très simple par lequel je me charge de faire d’un peuple d’anémiques, de surmenés, de nervosiaques, un peuple solide, équilibré, sain, dans les veines duquel circulera un torrent de sang nouveau, chargé de globules rouges et dépouillé de tous bacilles, vibrions ou microbes ! Mais il me faut l’appui d’hommes politiques éminents, d’hommes d’État comme vous, monsieur le député ; il me faut l’intervention gouvernementale, l’autorité de l’État, pour que ma grande découverte produise les résultats que j’en attends… Permettez-moi de vous exposer en deux mots l’idée que je vais développer tout à l’heure dans ma conférence…

— Exposez ! dit le député.

— Une loi dont vous êtes le promoteur, monsieur le député, une loi que votre entraînante éloquence fait voter par toutes les fractions du Parlement, rend mon grand Médicament national obligatoire en garantissant à la maison Philox Lorris, sous le contrôle du gouvernement, le monopole de la fabrication et de l’exploitation… Inutile de dire, monsieur le député, que des avantages sont réservés aux amis de l’entreprise qui l’ont soutenue de leur haute influence… Je reprends !… Nous organisons par tout le pays des services d’inoculation et de vente… Chaque Français, une fois par mois, est vacciné avec le liquide microbicide et il emporte un flacon du médicament. L’obligation n’a rien de vexatoire, tant de choses sont obligatoires aujourd’hui ; l’État peut bien intervenir une fois de plus et imposer sa direction lorsque l’intérêt public est si évident… Par cette loi bienfaisante et vraiment de salut public, c’est tout simplement la santé obligatoire que vous nous décrétez ! Êtes-vous conquis, mon cher député ?

— Je m’incline et j’admire, répondit M. des Marettes ; dans quatre