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Le Vingtième Siècle

Les semaines passèrent vite dans ces délicieuses solitudes… Un jour vint cependant où elles furent envahies. C’était le commencement des vacances. Toutes les diligences du pays, toutes les carrioles, toutes les guimbardes roulaient chargées de gens pâles et fatigués, dont les têtes ballottaient sous les cahots des chemins. C’était l’arrivée annuelle des citadins lamentables venant chercher le repos et puiser de nouvelles forces dans le calme et la tranquillité des landes, l’arrivée de tous les énervés et de tous les surmenés, accourant se rejeter sur le sein de la bonne nature, haletants des luttes passées et heureux d’échapper pour quelque temps à la vie électrique.

Il fallait les voir jaillir de toutes les voitures, descendre plus ou moins péniblement, aux portes de Kernoël, les pauvres énervés et se laisser tomber aussitôt sur la première herbe entrevue, s’étendre sur le gazon, s’allonger dans le foin, se rouler sur le ventre ou sur le dos, avec des soupirs de soulagement et des frémissements d’aise.

Il en venait, il en arrivait de partout par bandes lamentables…

Ouf ! enfin ! L’air pur, non souillé par toutes les fumées soufflées par les monstrueuses usines ! la tranquillité, la détente complète du cerveau et des nerfs, la joie suprême de se sentir renaître et le bonheur de revivre !

Nous, dans la douceur des prairies, dans la bonne senteur des prairies, dans la fraîcheur des grèves, nous allons nous reprendre, nous allons respirer, souffler, nous allons reconquérir des forces pour les luttes futures… Continue à tourner avec les autres, ceux qui, hélas ! ne peuvent se donner ces quelques bonnes semaines de vacances, avec les malheureux ilotes trop profondément engagés dans tes rudes engrenages, absorbante et terrifiante machine sociale !

FIN