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Le Vingtième Siècle

à personne, à condition, bien entendu, que l’on ne touche pas aux appareils. Georges Lorris, ayant pris un livre à illustrations photographiques, s’installa patiemment dans un fauteuil pour laisser finir la crise des Télés. Ce ne fut pas long. Au bout de vingt minutes, la rumeur s’éteignit subitement. Le bureau central venait d’établir un fil de fuite ; mais, en attendant que les avaries fussent réparées, ce qui allait demander encore au moins deux ou trois heures de travaux, chaque appareil recevait au hasard une communication quelconque qui ne pouvait s’interrompre avant que tout fût remis en ordre.

Et, dans la plaque du Télé, les figures, cessant de passer dans une confusion falotte, se précisèrent peu à peu, le défilé se ralentit, puis tout à coup une image nette et précise s’encadra dans l’appareil et ne changea plus.

C’était une chambre au mobilier très simple, une petite chambre aux boiseries claires, meublée seulement de quelques chaises et d’une table chargée de livres et de cahiers, avec une corbeille à ouvrage devant la cheminée. Réfugiée dans un angle, presque agenouillée, une jeune fille semblait encore en proie à la plus profonde terreur. Elle avait les mains sur les yeux et ne les retirait que pour les porter sur ses oreilles dans un geste d’affolement.

Georges Lorris ne vit d’abord qu’une taille svelte et gracieuse, de jolies mains délicates et de beaux cheveux blonds, un peu en désordre. Il parla tout de suite pour tirer l’inconnue de sa prostration :

« Mademoiselle ! mademoiselle ! » fit-il assez doucement.

Mais la jeune fille, les mains sur les oreilles et la tête pleine encore des terribles rumeurs qui venaient à peine de cesser, ne sembla point entendre.

« Mademoiselle ! » cria Georges d’une voix forte.

La jeune fille, tournant la tête sans baisser ses mains et sans bouger, regarda, d’un air effaré, vers le Télé de sa chambre.

« Le danger est passé, mademoiselle ; remettez-vous, reprit doucement Georges ; m’entendez-vous ? »

Elle fit un signe de tête sans répondre autrement.

« Vous n’avez plus rien à craindre, la tournade est passée…

— Vous êtes sûr que cela ne va pas revenir ? fit la jeune fille d’une voix si tremblante que Georges Lorris comprit à peine.

— C’est tout à fait fini, tout est rentré dans l’ordre, on n’entend plus rien de ce fracas de tout à l’heure qui semble vous avoir si fort épouvantée…