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cela lui prenait quelques heures dans la journée. Le reste de son temps était consacré aux cours de la Faculté de droit. Lorsque M11e Malicorne plaidait, Hélène la suivait à l’audience, au milieu d’un état-major de jeunes avocates qui prenaient là des leçons de grande éloquence et d’attendrissement.

Mlle Malicorne.
Mlle Malicorne.

On ne voit plus guère maintenant dans la salle des pas perdus du Palais de Justice que des avocats féminins. Les avocats masculins sont en minorité ; ils ne plaident plus qu’au civil et encore dans les affaires où il est surtout question de chiffres ou de points de jurisprudence ennuyeux à éclaircir. À la cour d’assises, ils paraissent rarement et seulement pour les affaires vulgaires ou pour les procès féminins, par exemple quand il s’agit de défendre quelque vitrioleuse de bas étage.

Les belles causes sont exclusivement réservées aux avocats féminins. Les crimes causés par la jalousie, ayant toujours un côté poétique, se prêtent merveilleusement à l’éloquence des avocates, et, nous n’avons pas besoin de le dire, dans ces causes sentimentales, il ne faut pas de grands efforts pour arracher des acquittements ; mais quand il s’agit de simples assassinats sans jalousie, avec ou sans circonstances aggravantes, la tâche est plus difficile. Il faut alors entendre les accents émus de M11e Malicorne et voir avec quel art elle tire parti de sa physionomie naturellement attendrissante et des larmes dont elle arrose sa plaidoirie aux endroits pathétiques.

Le criminel, fût-il couvert de crimes accomplis avec préméditation et férocité, eût-il coupé plusieurs personnes en petits morceaux dans le cours de sa carrière, M11e Malicorne arrive toujours à faire mollir le ministère public et à tirer des pleurs des jurés les plus récalcitrants. Les gendarmes et les municipaux fondent en eau et le criminel lui-même, gêné par ses menottes, prie de temps en temps un de ses gardiens de lui essuyer sa paupière humide.

La justice, d’ailleurs, a depuis longtemps mis au fourreau le vieux glaive qui faisait partie de ses attributs : les philanthropes ont obtenu, au commencement de ce siècle, l’abolition de la peine de mort, ce dernier vestige des siècles de barbarie qu’a traversés l’humanité.

Ce grand triomphe des idées modernes a donné le signal d’une foule