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dentelles perdues en moins. Les dames sont moins exposées à prendre un bain de punch au rhum ou à recevoir dans le corsage une douzaine de glaces vanille et pistache, versées par un domestique trop empressé ou trop distrait.

Il suffit aux personnes altérées de se diriger vers le coin de chaque salle spécialement réservé aux rafraîchissements, pour trouver des plateaux chargés de verres sous les robinets de liqueurs fines et variées fournies aux abonnés par la Compagnie.

Pendant que M. Rouquayrol dégustait, en compagnie de Mme Ponto, des sorbets arrivés par tube pneumatique, Hélène, très intriguée par les allures de l’interrupteur acharné du député, faisait part de son étonnement à sa cousine Barbe Ponto.

« Ce monsieur, là-bas, derrière M. Rouquayrol ? dit Barbe, en effet il n’a pas l’air d’un ambassadeur, mais ça s’explique. C’est M. Rouquayrol qui l’a amené, j’étais là à leur entrée et je les ai entendus s’annoncer : Zéphyrin Rouquayrol, député de la plaine Saint-Denis et Jean-Baptiste Michu, membre du comité de surveillance de la plaine Saint-Denis !

— Je ne comprends pas.

— Comment, tu ne comprends pas ? Maman me dit que te voilà devenue une femme sérieuse et tu ne sais pas ce que c’est qu’un comité de surveillance ?

— Non !

— Et tu seras bientôt électrice ! tu m’étonnes !

— Alors ce monsieur est du comité de surveillance ? il surveille la plaine Saint-Denis ?

— Mais non, il surveille le député de la plaine Saint-Denis ! Demande à papa, le voilà qui cause avec l’ambassadeur de Monaco… Dis donc, papa, Hélène qui ne connaît pas les comités de surveillance des députés ? »

M. Ponto et l’ambassadeur se mirent à rire.

« C’est pour le surveillant de ce pauvre Rouquayrol que tu dis cela ? fit M. Ponto, il me l’a présenté tout à l’heure… Ah ! le métier de député n’est pas des plus agréables, maintenant que les électeurs se sont mis en tête de surveiller étroitement leur mandataire, de diriger sa conduite et de lui dicter ses votes ! Les pauvres députés, je parle de ceux des grandes villes seulement, car les autres n’ont guère d’autres ennuis, en dehors de la période électorale, que les visites et les commissions des électeurs ruraux, les pauvres députés sont absolument tyrannisés par leurs comités électoraux !