Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/199

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encore, j’en conviens ; mais ce petit noyau grossira, le gouvernement commence même à donner des postes officiels aux femmes… On s’est aperçu que là même où échouait un préfet masculin, une préfète pouvait réussir… La femme a plus de finesse, plus de tact… avec elle les froissements qui se produisent inévitablement dans les cercles administratifs sont moins à craindre… Vous ferez peut-être une très bonne préfète !… »

Hélène hasarda un sourire.

« Il y a de l’avenir pour vous de ce côté, reprit M. Ponto et vous allez commencer tout de suite vos études… Je vais m’occuper de vous faire entrer au Conservatoire…

— Au Conservatoire ? dit Hélène surprise…

— Pas pour la musique, fit M. Ponto en riant, pas à ce Conservatoire-là, mais au CONSERVATOIRE POLITIQUE ! Vous ne connaissez pas ? vous ignorez tout, ma parole d’honneur ! Le Conservatoire politique est un établissement gouvernemental où les jeunes gens qui se destinent à la politique reçoivent une éducation spéciale ; vous verrez cela… Le directeur est un de mes amis, je me fais fort de vous faire admettre d’emblée… »

Mme Ponto approuva fort la détermination de son mari et se chargea, pour aplanir toutes les difficultés, de conduire elle-même sa jeune pupille au directeur du Conservatoire politique.

Hélène dormit fort mal cette nuit-là ; dans une sorte de cauchemar, elle mêla le palais de Justice et le Conservatoire, l’infortuné Jupille et les sous-préfets. Elle se trouva donc au matin fort peu préparée à affronter M. le directeur du Conservatoire politique, personnage auguste, homme d’État en retraite, qui employait noblement ses années d’invalides à préparer pour la France des générations nouvelles d’hommes politiques.

Mme Ponto la rassura.

« Mon enfant, dit-elle, il n’y a pas que des élèves masculins au Conservatoire politique, il y a aussi beaucoup de jeunes demoiselles. C’est tout à fait comme au Conservatoire de musique !… Vous allez trouver là de nombreuses compagnes… et notre recommandation vous assure un accueil empressé… vous verrez ! »

Tout le monde connaît, au moins de vue, le Conservatoire politique, le superbe édifice construit au centre de Paris, sur le boulevard des Batignolles. Dans cet immense pâté de bâtiments, il y a place pour des salles d’étude aérées, pour de vastes préaux consacrés aux méditations, pour une grande salle établie sur le modèle d’une Chambre de députés et réser-