Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/245

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ces derniers temps, l’objet d’attaques aussi violentes que souverainement injustes ; des critiques acerbes et malveillants ont accusé la docte assemblée de se montrer un peu trop difficile dans ses choix et de tenir trop rigoureusement élevée la toise sous laquelle il faut passer — on me permettra cette comparaison familière — pour être déclaré, en une sorte de conseil de revision littéraire, bon pour le service académique ! On dirait que l’Académie, dans ses choix du mois dernier, a voulu tenir compte des réclamations formulées par les mécontents, et baisser encore — je continue la comparaison familière — le minimum de taille exigé jadis.

« Huit académiciens nouveaux sont venus prendre les fauteuils des éminents et vénérés collègues que la faux cruelle — on me permettra cette image — nous a enlevés. Puissent les nouveaux élus ne pas trouver la place trop large !

« Presque tous les genres, mesdames et messieurs, sont représentés dans cette série d’élus ; nous voyons d’abord la sévère histoire, puis le roman qui nous repose, l’éloquence qui nous séduit, — on me permettra surtout de le dire aujourd’hui, puisqu’il s’agit de Démosthènes féminins, — et le journal qui nous distrait.

« À l’historien, l’éminent M. Nestor Cordonnet, on reproche assez justement un style lourd et pâteux ; mais ces défauts sont, paraît-il, rachetés par des vues larges et profondes. Eh bien, dirais-je à ses détracteurs, la profondeur ne doit-elle pas être la qualité maîtresse de l’historien ? Je n’ai pas suffisamment lu les œuvres de M. Nestor Cordonnet pour y découvrir ces vues larges et profondes — elles doivent y être cependant et j’aurai manqué de persévérance pour mener à bien mes recherches.

« Par un système de compensation, pour racheter la profondeur et le poids de l’éminent historien, l’Académie lui a tout de suite adjoint deux romancières d’un talent exquis. Après la lourdeur, nous avons la délicatesse, la finesse, je dirai même la ténuité ! Les journaux de modes se disputent les œuvres de ces deux immortelles, c’est tout dire.

« À côté des deux charmantes romancières, nous voyons ici le directeur d’un journal téléphonique —— ce n’est pas le premier académicien qui n’ait jamais écrit une ligne ; à celui-là je ne reprocherai nul crime contre la syntaxe, ses paroles volent, volent, volent — comme les hannetons — ses articles ont voltigé de ses lèvres aux oreilles de ses abonnés par le fil conducteur. Pfuit !  !  ! Bien des chefs-d’œuvre perdus sans doute !