Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/273

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— C’est vrai !…, s’écria Hélène effrayée, j’ai noté très innocemment tout ce qu’on m’a dit… je vais supprimer…

— Trop tard, nous n’avons pas le temps, voici un phonographe clicheur, vous allez lire très distinctement votre article dans l’appareil, on portera le cliché au téléphonographe qui le répétera dès que la chronique en transmission sera terminée. — Je porte vos appointements à cinquante mille francs pour commencer.

— Il faut que je lise moi-même mon article ?

— Sans doute ! c’est ce que font tous les rédacteurs… Les abonnés aiment à entendre la voix des rédacteurs eux-mêmes. Passez dans la salle des transmissions et vous verrez tout le monde à l’œuvre. »

Hector Piquefol appela un jeune rédacteur qui offrit galamment le bras à Hélène pour la conduire dans la salle des transmissions. Comme l’avait dit Hector Piquefol, tous les rédacteurs étaient à l’œuvre ; la salle des transmissions était divisée en un grand nombre de cases dans chacune desquelles un rédacteur, séparé de ses collègues par une cloison et par d’épaisses portières destinées à étouffer le son, lisait son article dans un phonographe de petite dimension.

« Vous voyez, mademoiselle, chacun fait sa petite lecture dans son phonographe clicheur et les clichés sont ensuite recueillis par le secrétaire de la rédaction qui les porte au grand téléphonographe des abonnés…

— Pourquoi ne pas lire tout de suite ces articles dans le téléphonographe ? demanda Hélène ; on gagnerait du temps…

— C’est ainsi que l’on procédait dans les premiers temps des journaux téléphoniques, mais le téléphonographe envoyait en même temps les commentaires et la conversation des rédacteurs… par le moyen des clichés on n’a plus ces inconvénients à craindre, chacun dit son article séparément…

— Pourquoi, les articles étant écrits, ne fait-on pas lire le journal tout entier par un employé spécial ?

— Pourquoi ? mais parce que le public tient à connaître aussi la voix de ses chroniqueurs préférés ; parce que l’article a beaucoup plus de sel quand il est lu par l’auteur même, qui peut, par des inflexions variées, par des intonations savantes, ajouter à la valeur de ses sous-entendus et faire entendre ce qu’il ne dit pas tout à fait… Les chroniqueurs beaux diseurs sont très appréciés ; de même ceux qui n’ont pas un certain talent de diction restent forcément dans les rangs inférieurs… ainsi tenez, nous avions