Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/373

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— Parfaitement, dit un membre du conseil ; mais on n’en a pas moins jeté l’alarme dans le public, et voici nos actions descendues de 7,580 fr. 50 à 6,112 francs en huit jours !

— Je vais faire écrire une brochure et ouvrir une campagne dans la presse pour montrer le ridicule des craintes répandues dans le public. Je propose au conseil de lancer hardiment une émission de cent mille obligations nouvelles, dont le produit sera destiné à porter les moyens de défense du tunnel au comble de la perfection, pour couper court désormais à tous bruits fâcheux sur la sécurité de notre entreprise !

— Quels moyens de défense ? demanda un membre du conseil.

— Vous allez voir ! D’ailleurs le tunnel pur et simple de quinze mètres de diamètre, qui court au fond de la mer de Brest à Panama, ne me suffisait plus ; dès le lendemain de l’inauguration, il y a onze ans, j’ai songé à le transformer… Les attaques dont notre œuvre est aujourd’hui l’objet me fournissent l’occasion d’appliquer mes idées d’embellissements et de transformation en les faisant tourner au profit de la défense… Voici mon plan : juste à moitié de notre tunnel, à l’endroit où il s’infléchit vers le sud, dans les bas-fonds au nord-ouest des Açores, je sectionne le tunnel et j’établis au fond de la mer une large voûte de cinq cents mètres de diamètre coulée sur des blocs de granit, éclairée par une rangée d’arcades à vitres de cristal ; au centre de mon anneau de cinq cents mètres, je construis un fort susceptible de contenir une garnison de cinquante hommes sous la direction d’électriciens et d’ingénieurs… c’est assez pour couper au besoin le tunnel en cinq minutes ou pour déterminer, au moyen d’une simple fissure, l’envahissement par les eaux de toute la partie américaine du tunnel… Voici pour la défense ! Pour l’embellissement, j’élève autour du fort un village et des hôtels sous-marins, avec une belle promenade circulaire le long des arcades vitrées, ce qui nous constitue un aquarium supérieurement monté, puisque c’est l’océan lui-même qui nous sert de fond !… Naturellement je construis un casino, et j’installe une roulette… L’aquarium nous amène les savants et la roulette les gens du monde…

— Excellent ! firent quelques membres du conseil.

— Pour plus de sûreté, je construis à six lieues en avant de Brest un autre fort, relié au premier par un fil électrique, et je sème quelques torpilles par-ci par-là… Voici, je pense, qui répondra victorieusement aux craintes exagérées des adversaires du tunnel. Sécurité absolue, plus d’invasion possible… du moins par le tunnel, car, nous pourrions le dire à nos