Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/451

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« Qu’est-ce que cela ? » demanda Hélène.

Philippe consultait déjà ses cartes et ses collections de guides.

« C’est une sorte d’hôpital flottant, répondit-il. Tous ces aérochalets sont habités par de pauvres malades qui viennent sous le climat de Menton faire des cures d’air tiède et pur. L’hiver, les aérochalets descendent à terre ; l’été, ils s’élèvent au-dessus de la ville pour chercher dans la montagne un peu de douceur… Ce n’est pas le seul établissement de ce genre, il y en a un autre à San Remo, un à Bordighera… On fait aussi des cures d’air dans les montagnes suisses, mais les aérochalets helvétiques ne sont fréquentés que l’été… »

L’Albatros vola toute la journée en vue des côtes et passa au-dessus de Gênes. On rencontrait de temps en temps quelques aéro-yachts de touristes faisant leur tour d’Italie et suivant la voie aérienne pour aller de ville en ville. Quand le soir arriva, on se trouvait à la hauteur de Pise.

« Nous ne descendrons pas à terre, dit Philippe, nous allons marcher toute la nuit de façon à nous trouver au lever du soleil à Naples ; nous donnerons un coup d’œil aux travaux du Parc européen et nous filerons ensuite sur Constantinople… est-ce dit ?

— C’est dit ! » répondit Hélène.

Il faisait chaud à Naples ; mais en s’élevant à huit cents mètres, l’Albatros rencontra une petite brise du nord qui rafraîchit ses passagers. Naples était en ébullition. Les lazzarones, payés quelques sous par jour par l’administration du Parc européen, pour continuer à figurer en costume national et sans rien faire, sur les dalles du port, chantaient les louanges de M. Ponto et chérissaient le banquier à l’égal de la Madone et de saint Janvier. Philippe, quand il descendit pour une heure à terre, dut garder le plus strict incognito, pour n’être pas porté en triomphe.

Les ouvriers du Parc européen avaient bien travaillé ; il y avait des becs électriques et des bancs tout le long du golfe de Naples, du Pausilippe à Sorrente. La grotte du Chien avait été rendue plus méphitique, un tramway traîné par des ânes suivait toute la rive du golfe, un tube perçait la montagne de Sorrente à Amalfi ; tous les soirs le temple de Pæstum était éclairé à la lumière électrique. Les derniers préparatifs s’achevaient pour l’inauguration solennelle du Parc ; le train des invités devait inaugurer toute l’Italie en huit jours, en commençant par Venise restaurée et remise à neuf, en continuant par Bologne, dont les tours avaient été plus penchées encore, Florence, Sienne, Rome, Naples et, en termi-