Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/473

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« Les boulevards qui traversent la ville du nord au sud portent le nom de Sentier de la guerre, reprit le Renard subtil ; l’édilité a voulu de cette façon nous rappeler nos gloires nationales. Les plus beaux édifices de la ville, les cafés, les théâtres, les administrations sont sur le Sentier de la guerre.

— Et cette statue que nous voyons là-bas ? demanda Philippe.

— C’est celle du grand Fenimore Cooper, elle est l’œuvre d’un artiste mohican qui a voulu témoigner sa reconnaissance et son admiration pour l’immortel écrivain… À l’autre bout du Sentier de la guerre, vous verrez une deuxième œuvre d’art, la statue de Gustave Aimard, autre écrivain blanc ami de son frère rouge… Mais je vous quitte, je vais fumer le calumet du conseil à l’hôtel de ville, où nous attend M. le maire qui est un grand chef. »

L’honnête Peau-Rouge salua les dames et monta dans un tramway terrien qui passait sur le Sentier de la guerre.

Les voyageurs continuèrent leur promenade. Ils n’étaient pas au bout de leurs étonnements. En regardant les enseignes ils lurent des noms de commerçants peaux-rouges bien étranges ; ils aperçurent la boutique d’un sieur la Cascade écumante, charcutier en gros ; la boutique de modes d’une dame la Liane flexible, un magasin de lecture tenu par Mlle Rayon du Couchant et même les panonceaux d’un notaire peau-rouge qui s’appelait Œil-de-Lapin !

La statue de Fenimore Cooper se dressait au pied d’un bel édifice du style gréco-américain le plus pur, pourvu d’une colonnade sur l’entablement de laquelle on lisait ces mots :

mvsée peav-rovge


« Entrons, dit Philippe, ce doit être curieux.

— Vos cannes au vestiaire, mesdames », dit une voix qui sortait de la loge du concierge.

Hélène et Barbe poussèrent un cri. Un Indien revêtu du costume national, la tête coiffée de plumes et de cornes de bison, tatoué sur les bras, la poitrine et la figure, et le tomahawk à la ceinture, s’avançait au-devant des visiteurs. Il parut flatté du mouvement d’effroi des deux dames.

« Je suis le concierge, dit-il, je porte le costume national de dix heures