Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/489

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dirent, des cris d’effroi plutôt que des cris de guerre, et à l’extrémité du jardin, deux ou trois ombres noires se jetèrent à la mer.

Les pagayeurs des pirogues s’étaient arrêtés tout à coup et paraissaient en proie à la plus vive surprise.

« Qui êtes-vous ? » cria le capitaine en faisant grincer la batterie de son fusil.

Pour toute réponse, les pagayeurs détachèrent rapidement le câble qui reliait leurs pirogues à l’île ; ils recueillirent les hommes qui s’étaient jetés à l’eau et se mirent à fuir avec vélocité.

À ce moment, Hélène et Barbe, effrayées, accouraient se joindre au groupe des naufragés.

« Ne craignez rien, dit le capitaine, les voleurs sont partis… Ce sont des indigènes des îles Gallapagos, probablement… ils ne nous savaient pas dans l’île et notre seule apparition les a fait fuir. Ce n’est pas la première fois que des sauvages ou des écumeurs de mer volent des îles et les emmènent dans des endroits inconnus, pour s’y goberger à l’aise dans de jolies petites maisons dont on peut faire à l’occasion des petites forteresses flottantes…

— Alors, le danger est passé ? demanda Barbe.

— Le danger d’être volés, oui ; mais nous sommes maintenant en présence d’autres dangers… Nous marchons, l’île n° 124 a quitté sa place ; quand on viendra pour nous rapatrier, on ne nous trouvera plus !… »

Barbe pâlit.

« Et ma maison de New-York ! s’écria-t-elle.

— Bah ! dit Philippe, c’est tant mieux si nous marchons…. Nous allons nous rapatrier nous-mêmes, nous allons tâcher de gagner un port…

— Ces îles rondes ne sont pas facilement dirigeables, répondit le capitaine ; nous dérivons, nous irons où le flot voudra bien nous mener. »

Philippe et le capitaine passèrent le reste de la nuit dans le jardin pour empêcher tout retour offensif des voleurs ; mais rien ne vint les troubler dans leur faction. Vers le matin le roulis s’accentua, une brise un peu forte secoua l’île et fit claquer, le pavillon du sémaphore. Les naufragés semblaient disposés à prendre, assez gaiement leur nouvelle aventure, sauf Barbe qui se désolait de ne pouvoir correspondre avec sa maison de banque.

« J’ai une opération sur le tube de Panama, disait-elle ; dix mille actions achetées à 12,745,50 ; elles étaient à 14,890 à mon départ, il y a un syn-