Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/493

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La corvette arriva à l’intersection du longitude 90 avec l’équateur, juste le lendemain du jour où l’île avait failli être volée. Le commandant de la corvette se frotta les yeux, fit et refit le point, fouilla tous les côtés de l’horizon avec sa lorgnette, sans découvrir l’île 124. En vain la corvette courut des bordées de l’est à l’ouest entre les îles 125 et 123, et du nord au sud entre les îles 92 et 148, elle ne put découvrir aucune trace de l’île envolée.

De leur côté les passagers de l’île 124, dans leur promenade à travers l’océan Pacifique, interrogeaient à tout instant l’horizon avec l’espoir d’apercevoir une voile ; mais la solitude la plus complète continuait à les envelopper, nul navire ne paraissait.

Une seule fois, après une semaine de navigation, on eut une alerte. Barbe, en permanence, avec la lorgnette du capitaine, sur le toit de la maison au pied du mât de signaux, aperçut au loin un point noir. Toute la colonie accourut la rejoindre ; le capitaine, après avoir consulté la carte sur laquelle il marquait la route tous les jours à midi, crut reconnaître dans ce point noir l’île factice 188 sous le 9° de latitude sud.

« Inutile de faire des signaux, dit-il ; le n° 188 ne viendra pas à notre secours.

— Voyons, dit Philippe, prenons un parti, nous ne pouvons plus songer à retourner à Panama ; le courant, favorisé par une brise de N.-N.-E., nous porte vers la Polynésie ; mettons toutes voiles dehors pour arriver plus vite.

— C’est cela ! s’écria Barbe.

— Nous allons faire des vergues avec nos petits cocotiers et des voiles avec tous les draps de la maison, s’écria le capitaine ; je démolirai, s’il le faut, la maison pour fabriquer un gouvernail pour notre île et il faudra bien que nous marchions ! Je commençais d’ailleurs à être inquiet ; nos vivres s’épuisent ! »

Tous les passagers se mirent à l’œuvre, les dames prirent des aiguilles et s’occupèrent fiévreusement à coudre bout à bout les draps de la maison pour faire une grande voile. Le capitaine et les matelots se lancèrent, la scie ou la hache à la main, pour réunir les pièces nécessaires à l’établissement d’un grand gouvernail à l’arrière, la seule pièce qui manquât à l’île pour être une embarcation complète.

Après deux jours d’un travail acharné, tout fut terminé ; le mât du sémaphore se garnit de deux grandes voiles et d’un perroquet ; un foc fut